Aujourd'hui
cependant, la crise que connaît l'État permet et même exige
d'en reconsidérer les fondements les plus essentiels.
C'est une authentique "refondation" de l'État qui
se profile dans la perspective ouverte par le personnalisme.
Il ne s'agit pas d'un simple ravalement de son édifice qui
laisserait intact le socle commun aux modèles minimaliste ou
constructiviste. Du reste, si la crise que connaît l'État
est tellement profonde, c'est parce que ce socle lié au
paradigme individualiste est mis en question.
L'impératif catégorique de la "rationalité"
s'applique aussi bien dans les relations courtes et directes
que nous nouons avec notre entourage, que dans les relations
longues que nous établissons généralement de manière
indirecte par le canal d'institutions.
Ces relations longues concernent les " prochains
lointains ". Les institutions constituent un canal
indispensable pour mettre en œuvre l'ouverture vers
l'universalité. On voit cependant immédiatement le
changement de perspective qui se dessine tant par rapport au
modèle minimaliste que par rapport au modèle constructiviste
de l'État. Du point de vue personnaliste, les institutions
sont considérées comme le prolongement de l'action des
personnes. Elles retrouvent ainsi une place centrale dans la
société.
Les
institutions apparaissent comme des instruments dont les
personnes se dotent pour poursuivre leur humanisation en
creusant toujours plus loin et plus profond le sillon de la
" relationalité ". L'État apparaît comme le
vecteur des personnes dans ce qu'elles ont de meilleur, plutôt
que comme le tuteur ou le recteur agissant de l'extérieur sur
des individus isolés dans leur insularité. Marc SANGNIER,
fondateur du " Sillon " et précurseur de la démocratie
chrétienne, disait de l'État " qu'il est la promesse de
liberté pour tous et l'union de tous pour assurer à ceux
dont on a la charge directe, et à tous les moins favorisés,
une condition de dignité ".
Certes, les hommes sont imparfaits. Il sera toujours nécessaire
d'assurer des fonctions de sûreté afin de défendre la société
contre les comportements asociaux. Ce sont des fonctions défensives,
quoique la prévention y revête une importance cruciale. Mais
pour tout ce qui concerne les fonctions de mise en œuvre de
la solidarité active, comme la sécurité sociale, le
changement d'optique qu'introduit la vision personnaliste se
montre radical.
On
ne considère pas que l'organisation collective de la
solidarité soit une concession consentie pour assurer un
ordre social fragilisé par l'individualisme, comme dans le
modèle minimaliste, ni le moyen de corriger par la force les
imperfections de la nature humaine, comme dans le modèle
constructiviste. A l'opposé de ces visions négatives, on
voit qu'à travers l'organisation collective de la solidarité,
organisation qui se veut consciente, réfléchie, délibérée
et consentie, - tout le contraire du " mécanicisme
" du marché et de ses effets de composition - s'exprime
ce qu'il y a de meilleur en l'homme à savoir la réponse à
l'appel de la " relationalité " qui fait son
humanité.
Dans la conception idéologique qui a été ainsi esquissée,
l'État ne surplombe plus la société, il ne lui est plus étranger.
Il est replacé en son centre. " L'État, écrit
Jean-François REY, n'est pas le Léviathan décrit par
HOBBES. Il ne procède pas d'une guerre de tous contre tous.
C'est réaffirmé ici : l'État a lui-même un visage et des
amis. "
Vers la
Page 6 Replacer la personne au centre des
institutions
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