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PHILOSOPHIE

Le personnalisme. Par Vincent Triest


Replacer la personne au centre des institutions

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Une telle " refondation " ne peut cependant être envisagée qu'au prix d'une seconde révolution. Cette révolution concerne l'organisation et le fonctionnement des institutions. Elle consiste à replacer la personne au centre de leur action. Dans l'optique de " l'Etat minimaliste ", la solidarité est organisée de manière plutôt parcimonieuse et résiduaire. Dans celle de " l'État constructiviste ", elle est décrétée et plutôt procédurière. Dans l'un et l'autre cas, le formulaire est roi, la hiérarchie domine et la bureaucratie étend ses tentacules. Les bénéficiaires de la solidarité ont des démarches à accomplir, tantôt pour faire admettre leur état de nécessité, tantôt pour obtenir l'exécution de leurs droits. Qu'il soit " minimaliste " ou " constructiviste ", l'État fondé sur le paradigme individualiste ne traite qu'avec des administrés et des assujettis. Il ne les connaît que par les qualités fonctionnelles qui les définissent. La crise de l'Etat-Providence n'apparaît pas uniquement comme une crise financière et une crise de la solidarité. Elle traduit aussi une crise de la bureaucratie. Qu'est-ce que la bureaucratie sinon le doublon du marché ? D'un côté comme de l'autre, n'a-t-on pas affaire à des modèles experts en dépersonnalisation ?

L'État personnaliste s'affirme comme un État agile et " pro-actif ". Cela signifie d'abord qu'il pratique une veille sociale en anticipant l'évolution des besoins. Ce n'est pas un État conservateur et codificateur. Il n'attend pas que les catastrophes se produisent pour réagir. En ce sens, c'est un État stratège et adaptatif. S'agissant des relations avec les personnes, cela veut dire surtout que cet État n'attend pas qu'on vienne le solliciter en remplissant des formulaires. Il se montre capable d'écoute au cas par cas. De plus en plus, l'état de besoin des personnes apparaît lié à une histoire qui leur est propre davantage qu'à des appartenances sociales ou sociologiques. Les accidents sociaux sont moins qu'avant définissables en termes de risques collectifs que l'on peut associer à des catégories précises de la population. Le phénomène de la " nouvelle pauvreté " l'illustre. Le devoir d'écoute ne devrait-il pas aller jusqu'à un devoir de sollicitude quand on considère que de nombreuses situations de besoin ne sont pas détectées si l'on ne prend pas l'initiative d'aller vers les personnes en difficulté ? 

Cette nouvelle approche de la solidarité, l'État ne peut l'assumer seul. Ce n'est ni souhaitable, ni réalisable. Des relations de partenariat doivent être nouées dans le secteur non marchand entre les institutions publiques et les organisations qui émanent de la société civile. C'est dans cette optique qu'il convient de compléter le schéma de la " refondation " idéologique de l'État par une " réactualisation " du principe de subsidiarité.

Parce qu'elle repose sur une anthropologie, l'idéologie personnaliste confère au principe de subsidiarité une dimension constructive plutôt que défensive. Pour rappel, ce principe indique que l'organisation de la réponse aux besoins doit être située le plus près possible des personnes concernées. Autrement dit, lorsque le choix s'offre entre différents niveaux d'organisation d'égale efficacité, il faut privilégier le niveau le plus proche des personnes.

La véritable finalité de la subsidiarité n'est pas défensive mais constructive. Elle réside dans la nécessité de permettre à l'esprit de solidarité de se nourrir du vécu des personnes, à la base. C'est dans la relation avec le " prochain proche " que l'esprit de solidarité prend son envol vers le " prochain lointain ". Puisque dans l'idéologie personnaliste les institutions sont perçues comme le prolongement des personnes, un lien de continuité doit pouvoir s'affirmer entre la solidarité courte et la solidarité longue. Le fil ne doit pas être rompu. Il faut que le courant de la solidarité passe depuis le lieu où il s'origine, dans le face-à-face, jusqu'aux lieux plus distants où il s'actualise peut-être finalement de la manière la plus éthique qui soit, dans la relation avec les inconnus. La solidarité la plus forte n'est-elle pas celle où le lointain est traité comme le prochain ?

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(Textes rédigé à partir d'un article publié dans les Cahiers pour demain n°52 - Bruxelles, décembre 1999, avec l'aimable autorisation de la rédaction.)

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