Le dictionnaire nous donne cette définition de la maladie: le terme
maladie désigne d'abord une altération organique ou fonctionnelle
considérée dans son évolution. Une entité définissable.
C'est péremptoire, définitif et il semble qu'il ne doit y avoir rien à
répliquer ou a nuancer. Armé de cette définition, il est possible de
considérer tous les malades comme atteints d'un disfonctionnement, au
sens large, d'un mécanisme déterministe. Ces malades ne les voit-on pas
en effet, immédiatement rassurés quand le médecin peut à la suite de
quelques examens leur annoncer: "je sais ce que vous avez, ce n'est
pas grave" et certains ajoutent même," je l'ai déjà eu"!
- "Ah, docteur, j'en ai fait des médecins pour trouver ce que j'ai:
je vais enfin pouvoir guérir", déclare le malade rassuré en
regardant son médecin qui semble bien avoir su terrasser la maladie dont
il souffre.
Et, il faut bien admettre que théoriquement tout cela est rationnel: si
c'est une panne dans un mécanisme, une action réparatrice va être
possible possible grâce à un médicament. Il n'est pas question ici de
nier qu'à cette théorie correspond une réalité sur laquelle les
progrès fulgurants de la médecine et singulièrement de la chirurgie
permettent des actions réparatrices spectaculaires. Avec un coeur
nouveau, combien de patients on retrouvé la santé et leur joie de vivre?
On a changé l'organe qui fonctionnait mal, un point c'est tout.
Admettons aussi
que le malade "qui n'a rien", en fait a peut-être quelque chose
qui n'est pas encore mesurable. N'oublions pas que les dépressifs
n'avaient rien, ni dérèglement décelable, ni médicament, si ce n'est
le calcium (ça ne pouvait pas faire de mal): ils avaient en réalité
quelque chose qui fonctionnait mal, qui se déréglait un peu comme un
thermostat qui laisserait la chaleur monter exagérément (période de
mania ou d'euphorie) ou qui laisserait baisser la température exagérément
(période de dépression, de ralentissement de l'activité cérébrale).
Le malade avait donc quelque chose du côté d'un centre régulateur de
l'humeur qui était déréglé: un sel de lithium a plus fait pour eux que
des années de patiente compréhension interprétative.
Dans l'autisme, il semble qu'on se dirige vers un dérèglement de la
réceptivité de l'enfant en ce qui concerne la parole et le visage de
ceux qui s'adressent à lui. Affaire à suivre ...
Le point de vue organique ne doit jamais être abandonné: cela ne
signifie pas qu'il soit le seul et qu'il faille refuser l'apport de la
psychologie et de la psychanalyse.
La pratique médicale exige donc une formation scientifique universitaire
et une formation continue post-universitaire, de très haut niveau. c'est
possible pour le spécialiste, mais beaucoup plus difficile pour le
généraliste qui doit savoir un peu de tout puisque lui est dévolue la
première rencontre avec la personne qui se présente comme malade, son
traitement, et l'orientation du malade s'il lui paraît relever d'un
secteur de haute technicité. Comment pourrait-il orienter s'il n'est pas
informé au fur et à mesure des inventions et des réalisations
nouvelles? Si, déjà, le spécialiste doit prendre en compte le malade
dans sa totalité psychosomatique sous peine de n'exercer qu'une pratique
impersonnelle qui sera éloignée de son maximum d'efficacité, le
généraliste, à plus forte raison se trouve devant une population de
malades dont une bonne moitié ne relève pas des pathologies enseignées
à la fac.
Certes, il peut s'écrier qu'ils ne sont pas malades mais alors, il ne
prend pas en compte leur demande. Y aurait-il plus de 50% de malades
imaginaires? Cela ferait beaucoup.
C'est donc que le généraliste comme le spécialiste doivent s'être
formés à deux aspects de la maladie qui peuvent accompagner la maladie
organique, ou même ne pas l'accompagner. Dans ce dernier cas, ces deux
aspects constituent deux sortes de maladies à par entière, avec pour
conséquence que le malade qui "n'a rien" peut être un malade
dont l'approche relève d'une méthode qualitative, d'un effort pour
comprendre ses motivations, le plus souvent inconsciente, qui l'ont amené
à se déclarer malade.
Les deux aspects auxquels l'étudiant en médecine a tout intérêt à se
former sont:
- La maladie iconoclaste
- La maladie refuge.
Joseph
Llapasset ©
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