Le discours contre l'introspection est d'autant plus facile qu'il est
récurent (=>Phénomène répétitif). On explique pourquoi
il faut se passer de l'introspection, mais on ne fait pas apparaître les
conditions qui permettraient de s'en passer: en particulier, il faudrait
que la notion de cerveau et celle d'esprit se confondent.
Introspection, vient de introspicere = regarder à
l'intérieur de soi, tenir compte du témoignage de sa conscience
En psychologie, c'est une méthode qui consiste:
Importance de l'introspection:
elle se trouve le plus souvent à la base d'une recherche: par
exemple, si on réfléchit sur la simulation c'est évidemment à partir
de son existence dont nous sommes conscients. Cette existence est une
donnée de la conscience simulante. Avant une rencontre importante
ou une action risquée, je la simule mentalement et je prépare ce que je
vais dire dans un discours intérieur; c'est une sorte de jeu grâce
auquel je peux toujours me reprendre, me corriger car l'action simulée
échappe au caractère définitif et irréversible de l'action réelle.
C'est gratuit, c'est "pour du beurre" => pas d'invention
sans simulation => pas de science sans données de la conscience,
au point de départ ou au point d'arrivée (observation réelle
mesurable).
Jacques Monod, sans rien abandonner du principe d'objectivité,
condition qui règle toute recherche scientifique, insiste sur le fait que
l'abandon de l'introspection reviendrait à se priver d'éléments que
l'expérimentation physiologique actuelle ne peut atteindre.
"L'introspection, avec tous ses dangers, nous en dit
malgré tout un peu plus." J. Monod, Le hasard et la nécessité,
Seuil, page 169 à 173: lecture incontournable !
Cela signifie que "La notion de cerveau et celle d'esprit ne se
confondent pas plus pour nous dans le vécu actuel que pour les hommes du
XVII ° siècle." (Ibidem, page 173.
En conséquence, renoncer à l'introspection serait manquer
d'esprit et partir à la dérive, devenir aveugle.
Jacques Monod, Prix Nobel de physiologie et de médecine en 1965 a créé
en 1954, le service de biochimie cellulaire de l'Institut Pasteur.
Quels sont les "dangers" de l'introspection?
On lui reproche, non sans raison:
-
de modifier
l'objet en l'étudiant: en colère, si je regarde la colère, la
colère disparaît.
-
une
partialité inévitable, un manque d'objectivité, puisque le sujet
est l'objet dont il parle. Et quand on parle de soi.....
-
elle ne peut
être strictement contemporaine du fait étudié...Il faudrait parler
de rétrospection!
-
son caractère
strictement individuel. Peut-elle valoir pour tous? S'il n'y a de
science que du général...
Quelques citations comme autant de pistes de lecture.
- "Cette
introspection ..., à la rigueur, ne vaut que pour celui qui la
fait." Sully-Prudhomme, Psychologie du libre arbitre, page 7.
- "Il n'y a pas de sentiment si simple que ne complique et ne fausse
aussitôt l'introspection." A. Gide, Journal, I, page 822.
- "Les psychologues d'aujourd'hui font remarquer que l'introspection,
en réalité, ne donne presque rien." Merleau-Ponty, Sens et
non-sens, page 107.
- "L'introspection ramenée à ce qu'elle a de positif consiste ...
à expliciter le sens immanent d'une conduite." Merleau-Ponty,
Phénoménologie de la perception, page 71.
- "La méthode d'observation intérieure ou introspection
(regarder en dedans), malgré son caractère subjectif, et par conséquent
strictement individuel, est la méthode fondamentale de la psychologie, la
condition nécessaire de toutes les autres." Théodule Ribot, De
la méthode dans les sciences, I, page 231.
Joseph
Llapasset ©
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