° Rubrique Philo: Capes-Agreg

- Fiches d'aide à la préparation au CAPES -
Rubrique proposée et animée par  François Palacio

- Épistémologie

Buffon, Histoire naturelle (textes choisis)
1749

Fiche 1 - Fiche 2 - Fiche 3 

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Histoire naturelle, Premier discours (1749).

On ne s’imagine pas qu’on puisse avec le temps parvenir au point de reconnaître tous ces différents objets, qu’on puisse non seulement parvenir à les reconnaître par la forme, mais encore à savoir tout ce qui a rapport à la naissance, la production, l’organisation, les usages, en un mot à l’histoire de chaque chose en particulier ; cependant, en se familiarisant avec ces mêmes objets, en les voyant souvent, et, pour ainsi dire, sans dessein, ils forment peu à peu des impressions durables, qui bientôt se lient dans notre esprit par des rapports fixes et invariables ; et de là nous nous élevons à des vues plus générales, par lesquelles nous pouvons embrasser à la fois plusieurs objets différents ; et c’est alors qu’on est en état d’étudier avec ordre, de réfléchir avec fruit, et de se frayer des routes pour arriver à des découvertes utiles.

  Il faut voir presque sans dessein, parce que si vous avez résolu de ne considérer les choses que dans une certaine vue, dans un certain ordre, dans un certain système, eussiez-vous pris le meilleur chemin, vous n’arriverez jamais à la même étendue de connaissances à laquelle vous pourrez prétendre, si vous laissez dans les commencements votre esprit marcher de lui-même, se reconnaître, s’assurer sans secours, et former seul la première chaîne qui représente l’ordre de ses idées.

  Nous sommes naturellement portés à imaginer en tout une espèce d’ordre et d’uniformité, et quand on n’examine que légèrement les ouvrages de la Nature, il paraît à cette première vue, qu’elle a toujours travaillé sur un même plan. Le moule commun de toutes ces choses si dissemblables entre elles est moins dans la Nature que dans l’esprit étroit de ceux qui l’ont mal connue, et qui savent aussi peu juger de la force d’une vérité que des justes limites d’une analogie comparée. Les premières causes nous seront à jamais cachées, les résultats généraux de ces causes nous seront aussi difficiles à connaître que les causes mêmes ; tout ce qui nous est possible, c’est d’apercevoir quelques effets particuliers, de les comparer, de les combiner, et enfin d’y reconnaître plutôt un ordre relatif à notre propre nature, que convenable à l’existence des choses que nous considérons. 

La première vérité, qui sort de cet examen sérieux de la Nature, est une vérité peut-être humiliante pour l’homme; 
c’est qu’il doit se ranger lui-même dans la classe des animaux, auxquels il ressemble par tout ce qu’il a de matériel, et même leur instinct lui paraîtra peut-être plus sûr que sa raison, et leur industrie plus admirable que ses arts.

Histoire générale des animaux, Ch. I, T. II- Comparaison des animaux et des végétaux

  Quelque admirable que cet ouvrage nous paraisse, ce n’est pas dans l’individu qu’est la plus grande merveille, c’est dans la succession, dans le renouvellement et dans la durée des espèces que la Nature paraît tout à fait convenable. Cette faculté de produire son semblable, qui réside dans les animaux et dans les végétaux, cette espèce d’unité toujours subsistante et qui paraît éternelle, cette vertu procréatrice qui s’exerce perpétuellement sans se détruire jamais, est pour nous un mystère dont il semble qu’il ne nous est pas permis de sonder la profondeur.

  Cet ordre d’idées, cette suite de pensées qui existe au-dedans de nous-mêmes, quoique fort différente des objets qui les causent, ne laisse pas que d’être l’affection la plus réelle de notre individu, et de nous donner des relations avec les objets extérieurs, que nous pouvons regarder comme des rapports réels, puisqu’ils sont invariables et toujours les mêmes relativement à nous ; ainsi nous ne devons pas douter que les différences ou les ressemblances que nous apercevons entre les objets, ne soient des différences et des ressemblances certaines et réelles dans l’ordre de notre existence par rapport à ces mêmes objets ; nous pouvons donc légitimement nous donner le premier rang dans la Nature.

  Les erreurs où l’on pourrait tomber en comparant la forme des plantes à celle des animaux, ne porteront jamais que sur un petit nombre de sujets qui font la nuance entre les deux, et plus on fera d’observation, plus on se convaincra qu’entre les animaux et les végétaux le Créateur n’a pas mis de terme fixe, que ces deux genres d’êtres organisés ont beaucoup plus de propriétés communes que de différences réelles, que la production de l’animal ne coûte pas plus, et peut-être moins à la nature que celle du végétal, qu’en général la production des êtres organisés ne lui coûte rien, et qu’enfin le vivant et l’animé au lieu d’être un degré métaphysique des êtres, est une propriété physique de la matière.

 vers:  Histoire naturelle, Tome VI, Les animaux sauvages (1756)

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