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BAC FRANÇAIS par J. Llapasset

Le roman et ses personnages

Visions de l'homme et du monde

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Ce n'est pas par hasard que nous trouvons dans le terme "personnage" le mot d'origine étrusque, "personna" qui désigne le masque de théâtre: le personnage est un masque d'acteur qui reflète une idée (idein, voir en grec) et une vision du monde.
Le personnage et celui qui se représente en fonction de l'idée qu'il a de lui même, idée comme fruit d'un choix de certains traits de caractères, d'une préférence qui amène à présenter une figure en laissant dans l'ombre d'autres traits parce que considérés comme intimes ou qu'ils sont du domaine de l'inavoué.

Le personnage est donc toujours en relation avec lui même selon une vision, il délibère, monologue ou soliloque, et en relation avec un monde= tout ce qui pour lui prend le sens, principalement à travers la langue: la nature, la société, la morale, la religion... Tenir un rôle c'est présenter un profil grâce auquel on souhaite que les autres nous reconnaissent: il s'agit de produire un effet mais aussi de cacher la violence des instincts. C'est la politesse, les bienséances.

Dans le roman le personnage présente une complexité que nous devrons essayer de cerner sans pour cela détruire la beauté de l'œuvre. A quoi tient cette complexité qui semble défier l'analyse? A une dualité.

1- D'une part, le personnage, c'est un être humain, raisonnable et sensiblement affecté qui se voit et voit le monde d'une vision qui lui est propre. Du caractère qu'il porte et des occasions du monde qui l'entoure, de leur jeu, il déroule sa destinée: de sa capacité à garder un cap, en dépit des occasions ou des embûches tendues par le monde et ses rencontres (coup de foudre). 
L'existence du personnage, par une sorte de miracle qui fait du roman un roman de la vie , déborde toujours son caractère, au point d'échapper aux engagements les plus fermes, de défier la fidélité au nom de la sincérité d'un instant, de sa plénitude ressentie singulièrement dans le coup de foudre. Alors le portrait ébauché de La Princesse de Clèves (Madame de Lafayette), premier roman fondateur sur lequel nous proposerons des esquisses, le portrait devient une histoire dans l'instant où elle danse avec monsieur de Nemours, le sentiment l'arrachant à la monotonie du mariage, de la répétition du même. Il semble alors que l'occasion puisse tout sur les résolutions les plus sages et que le salut ne saurait être que dans la fuite et dans cette lâcheté qui refuse d'affronter le danger.

Ainsi l'existence d'un  personnage dépend bien de son portrait, de son caractère, mais aussi du choc avec le monde, du hasard et de la nécessité, de la vie qui, pour ainsi dire, dément toujours la vision qu'on s'était formée de soi même par l'intrusion d'une passion.

2- Mais comment nier, que dans le roman, le portrait et l'existence du personnage dépende aussi du texte du narrateur. 
Là encore interfèrent une conception de l'homme et une vision du monde dans une relation qui interdit toute abstraction de l'un ou de l'autre. Il va s'agir, pour nous, d'analyser sans détruire la vie de l'œuvre. Comment  le narrateur se figure-t-il l'homme, la réalité sociale, les rapports humains dans leurs rapports vivants? C'est bien la conscience du narrateur que le personnage représente, traduit, avec sa vision de l'homme et sa vision du monde.

Nous aurons donc dans l'œuvre de Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves, les visions des personnages et celles de l'auteur traduites par le même masque, grâce au miracle de l'écriture.

Par exemple: le ou les auteurs de La Princesse de Clèves, représentent bien leur vision de l'être humain, de l'homme et de la femme et de ce qui leur paraît être la réalité sociale de l'époque. L'homme est réduit au sentiment, à la passion qui s'éprouve soi même dans l'obscurité et la violence à la spontanéité, à l'inconstance et à la quête du plaisir. 

Au contraire, la femme est vue comme dépositaire de la raison et du calcul. Pour le narrateur, Madame de Lafayette, la conscience centrale de l'œuvre c'est la Princesse de Clèves. Sa vision est résolument féministe. Ce qui n'est peut-être pas le cas de La Princesse de Clèves. (Voir plus haut la dualité de niveau entre la vision de l'auteur et celle du personnage).
La vision du narrateur est résolument féministe. L'auteur marque cette prééminence de la femme en soignant particulièrement les analyses menées par la Princesse: chez elle, l'analyse est toujours recul intellectuel accompagné de références morales, recherche d'une vision claire et distincte qui, seule, peut préparer une ferme résolution que les occasions (ce qui arrive et surprend) ne mettront jamais complètement en question.

La vision de l'homme est toute autre. Si les hommes tentent l'analyse ils n'en tirent que de l'effroi. Ils se replient frileusement dans le monde de l'étiquette sociale.

Ainsi, il nous faudra distinguer deux niveaux dans l'acteur qu'est le personnage:

  • = Le premier niveau: La vision qu'il a de lui même et du monde.

  • = Le second niveau trahit ou représente la vision du narrateur, comment il voit l'homme et le monde.

On se trouvera toujours devant une création,  un mystère: des personnages vivants qui débordent leur définition en vivant, pour ainsi dire, leur propre vie. Mais aussi devant un texte représentant les visions du narrateur.

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> Vers: La Princesse de Clèves: Comment se voit-elle? Comment l'auteur la voit-elle?

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