"I) Dostoïevski
avait écrit : "Si Dieu n'existait pas, tout serait
permis." C'est là le point de départ de l'existentialisme.
En effet, tout est permis si Dieu n'existe pas, et par conséquent
l'homme est délaissé, parce qu'il ne trouve ni en lui, ni hors
de lui, une possibilité de s'accrocher. Il ne trouve d'abord pas
d'excuses. Si, en effet, l'existence précède l'essence, on ne
pourra jamais l'expliquer par référence à une nature humaine
donnée et figée ; autrement dit, il n'y a pas de déterminisme,
l'homme est libre, l'homme est liberté. Si d'autre part, Dieu
n'existe pas, nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs ou
des ordres qui légitimeront notre conduite. Ainsi, nous n'avons
ni derrière nous ni devant nous, dans le domaine lumineux des
valeurs, des justifications ou des excuses. Nous sommes seuls,
sans excuses. C'est ce que j'exprimerai en disant que l'homme est
condamne a être libre.
II) Si j'ai supprimé Dieu le père, il faut bien quelqu'un pour
inventer les valeurs. Il faut prendre les choses comme elles sont.
Et par ailleurs, dire que nous inventons les valeurs ne signifie
pas autre chose que ceci : la vie n'a pas de sens, a priori. Avant
que vous ne viviez, la vie, elle, n'est rien, mais c'est à vous
de lui donner un sens, et la valeur n'est pas autre chose que ce
sens que vous choisissez."
Sartre
=======================
= Ne vous
découragez pas: vous pouvez très bien comprendre ce texte
à condition de commencer par connaître le sens des termes
employés.
Par exemple: j'écris avec un stylo: ce serait ridicule de
dire que le stylo écrit tout seul, qu'il se met à courir
sur la page blanche comme s'il avait des projets, comme s'il
était libre. C'est que le stylo a été fabriqué,
qu'il a une essence qui le détermine: je ne peux pas en
faire un marteau ...
Pour l'homme, ce n'est pas le cas: il se construit librement
en fonction de ses projets, comme si son existence était
première: la liberté c'est le propre de l'homme.
Essayons de
mieux comprendre:
Le propre, ce qui est propre à l'homme, ce qui lui
appartient, ce qui le caractérise par rapport à ce qui
n'est pas lui.
Un homme sera celui qui par ses diverses actions se
singularisera et deviendra unique.
Ce qui le fait un, ce ne sont pas les causes et les limites,
c'est la manière dont il les reprend (par exemple dans la
culture physique). C'est en ce sens que pour un homme il ne
peut y avoir de différence entre exister et se choisir en
choisissant. Un homme est celui qui aura ouvert un monde
qu'il justifiera par son existence
d'être raisonnable sensiblement affecté. Autrement dit par
ce que l'existence communique à une essence
donnée. Cette essence le
limite à n'être que l'existence de celui-ci, d'un homme.
Si l'existence est la capacité d'exister d'une chose, cela
signifie qu'être un homme s'est être engagé autant que
s'engager.
Il s'ensuit que l'homme se heurte à des limites: un
individu en effet est engagé dans l'espace, dans le temps
et dans l'être.
Il ne peut donc devenir un homme en niant ces conditions
mais en les reprenant de façon personnelle, à sa manière.
Cette reprise n'est possible que parce que, comme existant,
l'homme sort hors de lui.
|
= Lisons
le texte ensemble le premier texte.
s'atteint : est immédiatement
conscient de son existence, est présent à soi.
si
...tout : C'est l'articulation d'un raisonnement qui à
partir d'une hypothèse déduit une conséquence. Si Dieu
n'existait pas, en effet, il n'y aurait ni valeurs (justice,
vérité, beauté) fondée en lui, ni commandements comme autant
de devoirs qu'il faudrait suivre inscrits dans une table, par
exemple, la table des dix commandements.
point
de départ : pour Sartre,
l'hypothèse est établie (=> j'ai supprimé Dieu le père,
à la fin du texte): l'hypothèse joue le rôle d'un principe à
la fois origine (point de départ) et fondement.
l'existentialisme
: le mouvement philosophique qui ramène tous les actes d'un homme
à un mouvement de la conscience, une sortie de, grâce auquel
l'homme se fait par ses projets, par sa liberté: en choisissant
il se choisit.
délaissé
: seul, laissé à lui même, sans commandements divin, sans une
nature, sur lesquels il pourrait s'appuyer et justifier sa
conduite: "c'est plus fort que moi".
ne
trouve : en lui et devant
lui: dans une nature humaine, hors de lui dans des valeurs,
reflets
du divin.
s'accrocher
: lorsque l'on tombe, se retenir de tomber, on s'assure comme à
une rampe qui empêche la chute.
d'abord
... d'autre part.
excuses
: "c'est pas ma faute, je ne l'ai pas voulu, c'est la nature
humaine..." Comme si c'était l'effet d'une nature ou d'un
dessein de Dieu.
si
... alors : à supposer
que...
l'existence
: l'acte de la conscience, le projet, le mouvement par lequel je
suis fondamentalement pour moi. (présence à soi de la
conscience). L'existence c'est la subjectivité grâce à laquelle
l'homme peut se faire, se créer sa propre essence: rien n'est
donné tout est construit. L'existence est insérée dans des
conditions auxquelles il ne tient qu'à lui de donner un sens:
l'homme n'est donc que l'ensemble de ses actes.
expliquer
: le réduire à n'être qu'un effet d'un déterminisme, d'un
processus causal antécédent.
nature
: une essence qui précèderait son existence et qui la
déterminerait (voir l'exemple du stylo ci-dessus)
figée
: qui s'imposerait à lui, qu'il ne pourrait modifier: en
réalité ce n'est pas l'essence qui s'impose à l'homme mais
l'existence dont il ne peut se débarrasser sans disparaître dans
l'inconscience, puisque l'existence est désir, mouvement de la
conscience.
déterminisme
: une nature qui déterminerait l'homme à être ce qu'il est.
libre
: dans ses actes
liberté
: c'est la caractéristique essentielle de l'homme: c'est par lui
qu'il est ce qu'il est. Il est l'incarnation de la liberté.
si
Dieu n'existe pas :
bien prendre en compte le présent. On est passé de
l'hypothèse (si Dieu n'existait pas...) à la thèse établie.
nous
n'avons : si Dieu n'existe pas, il n'existe pas de valeurs
telle la justice ou la vérité, ni des tables de la loi dictées
par Dieu.
légitimement
: garantit et justifie la légitimité de notre conduite.
ainsi
: on arrive à la conclusion de tout ce qui précède. Toute
conclusion est d'abord un bilan.
nous
n'avons : nous ne possédons
pas.
lumineux
: ce qui éclairerait notre route en provenance du ciel.
justification
: action de faire juste une conduite en disant par exemple qu'elle
est déterminée par notre nature ou en la référant aux
commandements de Dieu.
seul
: reprend le terme "délaissé".
sans
excuses : sans possibilité
de justifier une conduite comme si elle nous avait été dictée.
condamné
: en effet je ne peux me débarrasser de la liberté dans la
mesure où elle est le déploiement de ma propre existence.
= Ce qui va
vous donner confiance en vous, c'est que vous allez
comprendre par vous même le deuxième texte. |
Bonne
continuation
Joseph Llapasset
©
|