"L'homme
cherche "la vérité": un monde qui ne puisse ni se
contredire, ni tromper, ni changer, un monde vrai - un monde où
l'on ne souffre pas; or la contradiction, l'illusion, le
changement sont cause de la souffrance! Il ne doute pas qu'il
existe un monde tel qu'il devrait être; il en voudrait chercher
le chemin(...).
Où l'homme est-il allé chercher le concept de réalité?
Pourquoi déduit-il justement la souffrance du changement,
de l'illusion, de la contradiction? Pourquoi n'en tire-t-il pas
plutôt son bonheur?...
Le mépris, la haine de tout ce qui se passe, change et varie -
pourquoi cette valeur attribuée à ce qui dure? Il est visible
que la volonté de trouver le vrai n'est que l'aspiration à un monde
du permanent.
Les sens nous trompent, la raison en corrige les erreurs; donc,
a-t-on conclu, la raison est la voie qui mène au permanent; les idées
les moins concrètes doivent être les plus proches du
"monde vrai". - La plupart des catastrophes proviennent
des sens, - ils sont trompeurs, imposteurs, destructeurs.
Le bonheur ne peut avoir de garantie que dans l'être; le
changement et le bonheur s'excluent. Le vœu suprême sera donc de
s'unir à l'être. Voilà le chemin du bonheur suprême (...).
La croyance que le monde tel qu'il devrait être, est réellement,
c'est une croyance d'improductifs qui ne veulent pas créer un
monde tel qu'il doit être. Ils le supposent donné, ils
cherchent les moyens et les chemins qui y mènent. Vouloir
"le vrai" - c'est s'avouer impuissant à le créer"
Nietzsche,
la volonté
de puissance .
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= Nous
sommes assez bêtes pour chercher le bonheur, comme si on
pouvait le trouver tout fait: mais comme le bonheur est un
idéal de l'imagination, il ne peut jamais être trouvé.
Nous confondons ce qui est et ce qui devrait être: ce qui
est, nous pouvons le trouver, par exemple une source pour
nous désaltérer, ce qui devrait être, nous ne pouvons que
le créer.
"La
question de savoir si la vérité est nécessaire ne doit
pas seulement au préalable avoir trouvé sa réponse
affirmative, cette réponse doit encore l'affirmer de telle
sorte qu'elle exprime le principe, la croyance, la
conviction que "rien n'est aussi nécessaire que la
vérité et que par rapport à elle tout le reste n'est que
d'importance secondaire."
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= Lisons
le texte ensemble:
l'homme
cherche la vérité:
cherche: comme on cherche pour trouver quelque chose.
la vérité: comme un objet. C'est pourtant l'absolu, ce qui a sa
raison d'être en soi, ce qui suit les canons de la raison: ce qui
est, est, ne se contredit pas et par dessus tout ne change pas.
"La vérité doit avoir un visage pareil et universel"
nous dit Montaigne. On imagine un anti-monde dans lequel il n'y
aurait plus de misère.
Mais d'où vient la misère, la souffrance?
or:
et cependant...
la
contradiction: ce qui
s'oppose, défie la raison, est irrationnel: "ça ne devrait pas
être comme ça!"
l'illusion: tout
ce qui nous trompe, tout ce qui nous amène une déception: on a
poursuivi un mirage.
le
changement: le devenir,
l'incroyable violence du temps en nous et hors de nous: l'homme a
peur du devenir dans lequel il voit une figure de sa mort et dans
il lequel il devrait plutôt voir une figure de la vie.
cause: ont
pour effet.
souffrance: douleur
physique ou, ici, douleur morale: crainte, peur, angoisse,
regrets, soucis sont reliés et impliqués dans le devenir.
ce
monde: dans lequel il
souffre parce qu'il n'est pas tel qu'il devrait être pour qu'il
ne souffre pas, selon l'homme qui refuse, qui nie la terre et lui
est pour ainsi dire infidèle. Il veut s'en évader, il espère un
monde permanent, ce qui est une manière de maudire le présent,
le monde qui lui est donné. Ce qui lui est donné, le corps et
l'instant qui fuit, il le refuse.
où: quelle
est l'origine.
Joseph Llapasset
©
concept: le
mot, ce avec quoi on saisit et définit.
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