"Il n'y a que la seule volonté, que j'expérimente en moi être si grande, que je ne conçois point l'idée d'aucune autre plus ample et plus étendue: en sorte que c'est elle principalement qui me fait connaître que je porte l'image et la ressemblance de Dieu. Car, encore qu'elle soit incomparablement plus grande dans Dieu, que dans moi, soit à raison de la connaissance et de la puissance, qui s'y trouvant jointes la rendent plus ferme et plus efficace, soit à raison de l'objet, d'autant qu'elle se porte et s'étend infiniment à plus de choses; elle ne me semble pas toutefois plus grande, si je la considère formellement et précisément en elle-même.

Car elle consiste seulement en ce que nous pouvons faire une chose, ou ne la faire pas (c'est à dire affirmer ou nier, poursuivre ou fuir), ou plutôt seulement en ce que, pour affirmer ou nier, poursuivre ou fuir les choses que l'entendement nous propose, nous agissons en telle sorte que nous ne sentons point qu'aucune force extérieure nous y contraigne."

Descartes. Méditations Métaphysiques.
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=  Lisons le texte ensemble: (suite)

Il faut repérer maintenant quelle volonté est successivement désignée par "elle".

encore quelle: la volonté en Dieu est incomparablement plus grande

qui s'y trouvant jointes: ...  jointe à la volonté en Dieu.

d'autant qu'elle: il s'agit encore de la volonté dans Dieu

en elle même: dans ce qu'elle est  et non dans son contenu. Il s'agit  de l'essence de la volonté en Dieu et chez l'homme. 

la volonté: n'est pas une conséquence de l'entendement, c'est la faculté d'agir.

plus ferme: plus constante, plus assurée que la volonté de l'homme.

efficace: elle produit toujours l'effet attendu.

soit à raison: soit, si on considère l'objet de la volonté qui est d'autant plus grand que, en Dieu, elle a une extension infinie. Pour cette raison...

=> Descartes vient de nous dire que la volonté en Dieu est incomparablement plus grande. Cependant, il considère qu'elle ne semble pas plus grande pour peu qu'on prête attention à sa forme, sa définition indépendamment de ce que lui ajoute l'omniscience et la l'omnipotence de Dieu: du point de vue de la forme, de ce qu'elle est, la volonté divine n'est pas plus grande que la volonté de l'homme. Dans les deux cas c'est une faculté de choisir: elle consiste à exercer "un pouvoir indéterminé de détermination autonome". Il faut donc comprendre toutefois comme reprenant le encore que: malgré ce que je viens de dire, je maintiens que, du point de vue de la forme, la volonté divine n'est pas plus grande que la volonté de l'homme.

car: c'est pourquoi elle consiste seulement: réduite à son caractère formel, à ce qui fait qu'elle est ce qu'elle est, ce n'est que ...

nous pouvons: la volonté n'est que le pouvoir de dire oui ou non, d'accepter ou de refuser, d'affirmer ou de nier, de poursuivre ou de fuir: c'est un acte dans lequel le choix s'exprime. La volonté nous révèle notre liberté.

seulement: Descartes a effectué une réduction en enlevant tout ce qui ne relève pas de l'essence de la volonté: une réduction à l'idée, une réduction eidétique.

nous agissons: nous choisissons et nous effectuons notre choix sans éprouver l'action d'aucune force extérieure qui nous y contraindrait.
La volonté nous révèle bien une liberté comme indépendance.

Joseph Llapasset ©

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