Vous
m'interrogez, en quelque sorte, sur l'avenir de l'hypothèse
formulée par François Jacob, prix Nobel de physiologie et de médecine,
sur les structures d'accueil: effectivement la recherche sur la
spécificité de l'humain est une des questions que l'étude des
structures permettrait théoriquement de résoudre.
Vous
n'ignorez pas que l'avenir d'une hypothèse dépend
essentiellement du succès et de la contrainte, ce qui exige des
observations ou des expérimentations: l'observation a malgré
tout un certain caractère de passivité par rapport à l'objet
alors que l'expérimentation force pour ainsi dire la nature à
répondre, au risque de détruire ou de dérégler ce sur quoi
on expérimente... Ce qui pose un problème de bioéthique quand
il s'agit de structures d'accueil dans le cerveau de l'enfant...
On est donc réduit aux observations.
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Du
point de vue de l'observation le généticien nous
apprend que 99°/o de nos gènes sont semblables à ceux
du chimpanzé: 1°/o de différence c'est matériellement
peu pour une importante rupture culturelle. En
neurophysiologie on progresse beaucoup dans le domaine
des médiateurs chimiques du cerveau au point que pour
certains biologistes il n'y a pas de réel clivage entre
l'activité neuronale et l'activité mentale qu'est la
pensée, ce qui reviendrait à réduire l'humain à
l'inhumain.
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Du
point de vue de l'expérimentation aucun progrès (avouable) n'a
été accompli car il est toujours impensable d'envisager
certains types d'expériences dans la mesure où elles se
heurtent à la morale humaine comme un autre prix Nobel de
physiologie et de médecine l'avait remarqué dans son livre Le
hasard et la nécessité p.167,168. Laissons donc ce que
souhaitons être le dernier mot à Jacques Monod:
"Lorsque
le comportement implique des éléments acquis par
l'expérience ils le sont selon un <programme>
qui, lui, est inné... La structure du programme
appelle et guide l'apprentissage qui s'inscrira donc
dans une certaine <forme> préétablie, définie
dans le patrimoine génétique de l'espèce. C'est
sans doute ainsi qu'il faut interpréter le processus
d'apprentissage primaire du langage chez l'enfant. De
tels problèmes sont en principe accessibles à l'expérience...
Expériences cruelles qu'il est impensable de
pratiquer sur l'homme sur l'enfant en fait.
De sorte que par respect de soi-même l'homme
ne peut que s'interdire d'explorer certaines des
structures constitutives de son être" J. Monod
Le hasard et la nécessité p.167,168.
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En
lisant et en relisant ce beau texte jusqu'au bout, je me demande
si le biologiste ne doit pas vous renvoyer à la philosophie et
à la distinction de l'être et de la valeur comme ce qui caractériserait
2 plans distincts d'approche de votre sujet: l'humain et
l'inhumain: en effet en s'interdisant certaines expérimentations
sur l'homme, le biologiste lui reconnaît une valeur qu'aucun
scalpel ne pourra jamais mettre en évidence: être une
fin en soi, un sujet de droits.
Il
vous faut en effet sortir du contradictoire: qualifier
d'inhumain certains actes humains. Le texte de J. Monod peut
vous y aider.
Vers: Peut-on
qualifier d'inhumain certains actes humains? |