Propédeutique
pour mieux comprendre => Le parcours.
A
- Propédeutique pour mieux
comprendre
De
tout temps la discussion, entre ceux qui veulent fonder le droit
sur la force et ceux qui pensent de façon justifiée qu'il est
impossible de le faire , tourne à l'avantage théorique des
derniers et à l'avantage pratique des premiers.
- Dans
Gorgias de Platon, Calliclès voudrait bien réduire le droit au
fait c'est à dire à l'inégalité des forces. Et, certes, le
fait de la nature c'est bien que le plus fort domine le moins
fort conformément à une sorte de loi de la nature. Autant dire
que la justice est, à ce compte, la simple expression de la
violence. La force du plus fort serait toujours la meilleure et
il n'y a qu'à laisser faire: que règne l'injustice. Au
demeurant on peut se demander dans une telle perspective ce que
devient le droit: ne perd-il pas son essence qui consiste à
dire ce qui doit être pour le bien commun? Comment peut-on le
confondre avec la violence du chacun pour soi alors que précisément,
en disant ce qui doit être il s'oppose au fait! Le doit du plus
fort est donc une expression contradictoire : puisque le droit
dit ce qui devra être ce ne peut être le droit de ce qui est,
du plu fort. De plus le propre du droit c'est d'être écrit, d'être
toujours le même: comment peut-on le réduire à ce qui change
sans cesse, la force qui augmente ou qui décline au gré des
alliances et de la ruse. (Voir Le
loup et l'agneau)
Rousseau
remarque très justement qu'un voleur qui braque un pistolet sur
moi peut, en fait, me prendre ma bourse;
mais ce fait ne deviendra jamais un droit, quelle que soit la
force du voleur. Quelle que soit ma faiblesse, mon absence de
force, en droit je reste propriétaire de ma
bourse.
B
- Le parcours
En
fait = en réalité, selon ce qui est arrivé dans l'existence
contingente et singulière; du point de vue de ce qui
existe selon le hasard des rencontres entre des séries causales
indépendantes et selon la nécessité de l'enchaînement des séries
causales; selon, lorsqu'il s'agit des hommes, les intérêts
particuliers, la générosité restreinte du chacun pour
soi et pour les siens, selon la violence propre à la
nature. En fait, ce qui déconcerte toujours selon les caprices
de la nature ou de l'homme, ce qui n'est ni justifié ni fondé,
ce sur quoi on ne peut compter et, comme la violence, explose au
moment où on s'y attend le moins.
En fait, c'est la force qui règle le jeu des rapports, derrière
la force il y a le devenir car la force change sans cesse de
camp au gré des alliances ou de la ruse: l'homme ,le plus fort
qui soit, a besoin de dormir, ce qui le mettra à la merci de
l'homme le plus faible qui soit.
En
droit, selon ce qui est écrit, ce qu'on peut invoquer, selon ce
qui doit être, conforme à des règles établies par une société
qui détermine comment elle entend vivre afin de réaliser le
bien commun.
Rapports:
le fait ne saurait fonder le droit, mais le fait nous impose le
droit. N'étant ni justifié ni fondé puisqu'il ne
poursuit pas le bien commun, le fait ne saurait procurer ce
qu'il n'a pas: il ne fonde donc jamais le droit et si on confond
le droit avec le fait, cela revient à faire disparaître le
droit.
- Que le
droit ne soit jamais réalisé en fait ne change rien à
l'essence et à la valeur du droit: il a été créé pour la réalisation
volontaire de l'intérêt général parce que, en fait, la
violence de ce qui arrive, du conflit des intérêts
particuliers, menace la vie de chacun et donc l'intérêt général.
- On peut donc affirmer que l'opposition en fait / en
droit, ne disqualifie pas le droit mais au contraire
lui conserve son essence: en effet, pour ne pas être réalisé
en fait, le droit ne cesse pas d'être ce qu'il est. Loin de
pouvoir servir à contester le droit, les faits par leur
violence nous imposent le droit.
-
La
tentative de réduire le droit au fait sous prétexte que
l'un et l'autre sont multiples (il y a de multiples législations
diverses), est voué à l'échec car elle relève dans le
meilleur des cas du paralogisme
et la plupart du temps du sophisme de
ceux qui veulent échapper à leur responsabilité : car la
violence décontenance toujours et menace l'intérêt commun
car elle est aveugle alors que les multiples législations
tiennent nécessairement leur existence de l'essence du
droit.
Tout
l'effort de la science comme tout l'effort du droit
est de remplacer le fait brut par le droit ce qui
devra être pour la science et ce qui doit être pour
le droit. Loi de la nature et loi humaine ont pour
essence l'ordre et une même fonction: faire
apparaître un ordre, comme si l'homme avait horreur
de la contingence qui l'étreint.
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