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La volonté

A la recherche de problématiques perdues de vue ?

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La méta problématique ou la subversion de la problématique

 La recherche d'un problème fondamental, son objectivation sera d'autant plus difficile s'il s'enracine dans une existence créatrice, qui ne peut être objectivée: si celui qui cherche est impliqué dans la recherche, si la recherche porte sur l'essence du chercheur la présentation du problème devient impossible: toute présentation serait réduction, mutilation. En effet, un problème est tout entier devant moi qui cherche, il peut donc être résolu, au contraire, le mystère échappe à cette objectivation puisque "je" y est d'une certaine manière engagé. On reconnaît le problème en ce que le moi qui cherche est l'enjeu de la recherche. Si la volonté n'est qu'un mot, c'est le moi qui perd son statut d'être libre. Autant dire que vouloir penser la volonté c'est s'intéresser à soi même.

 Or, poser la volonté n'est-ce pas du même coup poser la liberté comme causalité du moi? Mais comment poser la causalité du moi si causalité garde le sens de détermination nécessaire d'un moment au moment suivant? Un acte qui serait déterminé nécessairement ne serait ni libre ni volontaire: il n'aurait pas besoin de l'hypothèse d'un moi. La liberté m'oblige donc rationnellement à poser une liberté créatrice du moi et à renoncer à calquer la causalité psychologique sur la causalité physique: alors que la causalité physique implique que rien ne se crée, la causalité psychologique implique au contraire la création par l'acte lui-même, par un agent qui est acte, de quelque chose qui n'existe pas dans ses antécédents Bergson, Lettre à L. Brunschwicg). Il faut alors que la liberté et le moi se posent du même coup comme création de soi par soi, une espèce de miracle reconnaît Bergson dans L'âme et le corps.

Voilà le problème subverti par la problématique: comment concevoir un changement sans support et un mouvement sans mobile pour sauver la volonté et la liberté? Comment concevoir une création de soi par soi qui soit l'effectuation d'un acte volontaire? Comment comprendre que l'acte volontaire créateur puisse réagir sur celui qui le veut?
Nous retrouvons le problème récurrent de l'âme qui agit sur le corps: comment la causalité psychologique peut-elle s'inscrire dans le déterminisme de la causalité physiologique sans y perdre son caractère propre? Dans le monde objectif, quelle est la place de la liberté?

La méta problématique n'est jamais bien loin du problème car lier liberté et volonté nous ramène au problème du rapport de l'âme et du corps: mais ce problème ne sera jamais totalement dans l'objectivité devant le moi qui veut le penser, puisque le moi créateur reste nécessairement en dehors de la recherche qu'il effectue. La création défie l'analyse réductrice qui évacuerait le mystère et se condamnerait à remonter des chaînes de causalité.

L'extrême difficulté de notion de volonté , qui a été source de nombreuses discussions, et parfois  de mauvaise foi comme si le penseur était écrasé par l'enjeu, apparaît dès qu'un effort de réflexion s'engage: la multiplicité des directions décourage le plus hardi puisque toute réflexion sur la volonté engage le chercheur vers la métaphysique (le moi, la liberté, Dieu), la morale (la bonne volonté), la psychologie (quelle est la nature de la volonté?), et même l'ontologie (être, vouloir vivre, volonté de puissance),  ou encore la biologie (s'il y a une biologie des passions, pourquoi pas de la volonté?) ...

Nous voilà devant une réalité qui semble intraduisible, comme l'unité d'une multiplicité dans laquelle nous sommes déjà plongés puisque, en cherchant nous avons commencé par l'intention de l'intention: tout effort de connaissance ou de pensée exige donc la volonté et la liberté. 

N'est-ce pas une entreprise insensé que de vouloir cerner une multiplicité infinie? Cet horizon qui semble se reculer sans cesse devant la vue nous engage à chercher son origine, son fondement, la volonté comme force qui s'éprouve elle-même. L'exigence d'une objectivation du problème dans l'horizon fuyant d'une transcendance, d'un "trou de lumière" (Michel Henry), n'est peut-être qu'un avatar philosophique, un héritage ruineux de la pseudo nécessité du "voir dans la lumière grec". Nous voilà, semble-t-il, condamnés ou bien à chercher l'être dans une représentation qui le nie ou bien à mettre à l'épreuve (!)  la volonté dans la stérilité d'une nuit. La substance, quelle nuit ! Se perdre dans un problème qui orienterait vers une enquête infinie et inutile ou scruter, sonder un mystère qui par essence échappe à toute enquête. D'où la question fondamentale: est-il possible de sortir de cette alternative = comment en sortir? Ou bien voir en place de la volonté ce qui n'est pas essentiel, des effets et manquer l'essence de la volonté dans un discours dissertant, parler de ce qui n'est pas en tentant de saisir dans un concept la multiplicité infinie, ou nous condamner à ne jamais rien dire de la volonté qui s'éprouve sans jamais se voir, comme une force.
Alors la problématique n'est-elle pas toujours perdue de vue? Si la volonté est toujours perdue de vue c'est peut-être qu'elle ne se donne jamais à voir, qu'elle est un fondement, un commencement. Comment penser le commencement? (M. Henry, La généalogie de la psychanalyse , p 17 et suivantes)

La source de l'action serait-elle une passion?

  Deux pistes de lectures pour confronter les deux grands philosophes du XX è siècle:
Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience.
M. Henry, La généalogie de la psychanalyse (PUF, en particulier le chapitre V, La vie retrouvée: le monde comme volonté). C'est une lecture de Descartes , Kant ,  Schopenhauer, Freud du point de vue d'une philosophie de la volonté. Avec intelligence et clarté, Michel Henry pense par lui même avec les autres, souligne leur valeur et résout leurs contradictions. Précieuse contribution pour tous ceux qui ne veulent pas se disperser inutilement dans une multiplicité qui ne mène à rien, qui pourrait bien les égarer.

Le jury a lancé un défi dans l'intention de faire accomplir par les candidats un parcours qui les familiarise avec toutes les époques de la philosophie: ne vont-ils pas enseigner, ne faut-il pas être érudit pour enseigner?  Il s'agit d'entrer dans une succession de pays tout en restant prompt à se dépayser sans cesse, au risque de changer les problématiques. Agrégation, point d'arrivée ou point de départ?

Joseph Llapasset

 

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