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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

La recherche du bonheur

Tchekhov 

Oncle Vania

Acte I. Intérêt dramatique: mise en abyme dans un raccourci saisissant  

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"J'aime assez qu'en (= au sein de) une oeuvre d'art on retrouve ... le sujet même de cette oeuvre." disait en 1893 André Gide. Il définissait ainsi ce qui existait déjà en peinture et en littérature et donnait à l'opération le nom de mise en abyme.

Page 15, de "Ils arrivent" ... à "Ils entrent dans la maison."

Dans les six répliques qui, maintenant, vont retenir notre attention, on retrouve effectivement le sujet de la pièce Oncle Vania:
- Une intrusion dans un espace de vie bien réglée (le samovar, le thé ...) et un départ. On entre et on sort. La mise en abyme a tout à fait sa place dans un acte d'exposition qui doit mettre sur la voie d'un dénouement sans pour cela le révéler explicitement. Le professeur introduit une tension qui deviendra insoutenable dans un espace de vie qu'il nie. Le rapprochement de l'arrivée et du départ, sans que les intermédiaires soient explicités, sollicite l'attention du spectateur, le plonge dans un certain malaise et pour ainsi dire le bouscule. Il s'agit de peindre l'ennui sans pour cela ennuyer le spectateur 
- Chaque personnage, par ses paroles et ses gestes (que seul le spectateur voit) se révèle psychologiquement et révèle rôle qu'il jouera dans la pièce. Cette mise en abyme est un pur chef-d'oeuvre car en quelques lignes les intérêts psychologiques, littéraires et dramatiques sont concernés.

Sonia se révèle comme la fille appliquée à faire son devoir, à guider les promeneurs, à contenter son père en lui montrant la propriété dans ce qu'elle a de plus beau, avec déférence comme si Sérébriakhov était le seul à pouvoir prétendre en être le propriétaire et donc à pouvoir la vendre. Tout cela est fait non sans fierté. Elle annonce une autre promenade vers la maison forestière, elle est fière de présenter le fruit de son travail et du travail de son oncle Vania.

Vania, en annonçant que le thé est servi, suggère d'abord que les promeneurs se sont faits attendre et qu'il en est irrité (le thé sera tiède). Et ensuite, il souhaite peut-être prolonger la présence de la jolie Elena.

Tiéliéguine, propriétaire ruiné, hébergé avec charité dans le domaine, fait écho à ce que dit le professeur Sérébriakhov et d'une certaine manière participe au choeur, comme Marina. Serait-il prêt à se réjouir de tout ce qu'il entend parce qu'il se moque de tout et ne s'accroche donc à aucune opinion? Le miroir, parce qu'il est indifférent peut tout refléter.

Sérébriakhov, plein de son importance, ne peut donc avoir eu qu'une promenade digne de lui, prestigieuse à son image. Tout doit être grand pour les grands qui revêtent de grandeur ce qu'ils regardent. Il a promené son regard avec admiration sur les étendues présentées: elles étaient baignées de soleil, de lumière, pleine d'éclats, resplendissantes.
Sérébriakhov qui vient de prendre sa retraite à plus de 65 ans, fait encore l'important, l'homme occupé qui préfère ses chères études, son travail, à des considérations banales autour d'une tasse de thé tiède par sa faute. Notez la condescendance qui doit exaspérer Vania, le "bureau" et les formules ironiques parce qu'elles ne reflètent pas la réalité: "
Mes amis ( sa famille!), je vous prie" (alors qu'il s'agit d'un ordre).