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"Vous
c'est à cause de lui; moi à cause de moi-même".
On peut comprendre que Helena peut toujours échapper à Sérébriakhov
ne serait-ce qu'en le quittant pour répondre aux pressions de
Vania qui n'hésite pas à jouer sur le chantage.
Vania ne peut échapper à soi et trouve la source de son
malheur dans sa lucidité, dans la considération de soi: il est
fâché avec lui même et son drame vient de ce que le soi ne
peut échapper à soi.
Le spectateur est sollicité, il est orienté vers la suite et
invité à anticiper: en aimant Vania, Helena le réconciliera
avec lui même puisqu'elle lui prouvera qu'il est digne d'être
aimé.
"Réconciliez moi d'abord avec moi même..." et
je serai l'artisan de paix que vous me demandez d'être. Tant
que je serai torturé par ce que mon regard lucide me révèle
sur moi même, il est impossible de satisfaire votre désir de
paix. Comment pourrais-je communiquer la paix si je ne l'ai pas.
On retrouve ici une caractéristique de Vania: il n'hésite pas
à exercer un chantage. Par là il torture Helena en lui
promettant ce qu'elle désire à la condition qu'elle devienne
infidèle. Elle aura cette paix si elle ne suit pas son devoir!
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"Ma vie est perdue sans retour...
ce que j'éprouve se perd pour rien comme un rayon de soleil qui
tomberait dans un trou.".
L'amour que Vania porte à Helena pourrait transfigurer sa vie
comme un trait de lumière qui éclairerait et réchaufferait,
mais il tombe dans un trou tant qu'il n'est pas partagé. Là
encore Vania sollicite Helena à être auxiliaire de la lumière
au prix d'une infidélité! Le thème de l'amour non partagé
apparaît encore: une lumière qui se perd, une autre vie qui se
perd.
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Après le
chantage que Helena écarte, il reste toujours dans la stratégie
de Vania la possibilité de jouer sur cette recherche du bonheur
qui ne quitte jamais l'âme et l'imagination.
La belle est en train de perdre,elle aussi, sa vie, entravée,
comme une bête qui ne peut avancer, par une morale en laquelle
personne ne croit plus. Qu'elle saisisse donc le sens de ce qui
se passe et, en se sauvant, en donnant à sa vie le sens de la
lumière et de l'amour, elle sauvera aussi Oncle Vania.
Mais celle qu'il désire ne le désire pas et l'estime , ou
l'affectueuse amitié, ce n'est pas de l'amour.
Jaillit alors le cri du coeur qui cloue Vania à son malheur
tout en lui rappelant l'état dans lequel il se trouve: "Je
m'ennuie avec vous." Comment
pourrais-je recevoir de vous autre chose que cet ennui qui vous
transit.
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La recherche
du bonheur se noie dans le désir: ou bien l'amour est partagé
et Vania ne désirera plus Helena car son amour est nourrit d'un
fantasme et non de la réalité qu'il a en face de lui; ou bien
l'amour n'est pas partagé et la misère habite le malheureux.
Comment le désir qui affirme l'infini pourrait-il être
satisfait par l'avoir de quelqu'un
qui se donne? Comment cette dignité de la liberté ne
serait-elle pas dégoûtée par le divertissement et singulièrement
par cette toute relative amélioration de la vie apportée par
l'alcool? Comment la dignité pourrait-elle ne pas être écoeurée
par la dépendance, l'aliénation à la boisson?
On comprend mieux que Helena déclare en mettant fin à la
rencontre: "C'est dégoûtant
à la fin." |