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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

La recherche du bonheur

Tchekhov 

Oncle Vania

Acte IV ".. Tu n'as pas eu de joie dans ta vie."  

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Tchékhov aimait dire que la principale difficulté c'était de trouver la fin d'une pièce. Une fin qui soit à la fois ce vers quoi tout est organisé et un élargissement sans que cela n'enlève rien au caractère définitif de la fin. C'est, en effet, qu'après la fin, tout continue et que rien ne se passe plus puisque l'écriture s'arrête. En nous présentant les personnages qui rentrent dans l'ordre, se soumettant aux même occupations, il a trouvé cette fin qu'il cherchait. Un mouvement indéfini, une sorte de finalité sans fin.

- On peut donc admirer cette fin d'Oncle Vania. Elle nous permet de mieux saisir que le thème principal n'est pas la recherche du bonheur, mais cette aspiration à être plus heureux ensemble, une attente comme si la vie heureuse des uns devrait faire la vie heureuse des autres.

- Les personnages n'ont pu que rater l'oeuvre qu'ils projetaient et qui pourtant leur paraissait tellement possible, mais ils ne peuvent renoncer à l'infini, à l'idéal de l'imagination. Tout ce qui a été perdu, tout ce qui est passé à leur portée sans qu'ils songent à le saisir, ils l'ont pourtant vu passer et disparaître parce que la dualité de leur nature les empêchait de partager, d'avoir ce grain de folie qui sauve la vie.

  On peut évidemment protester contre une telle fin, déclarer que l'aspect religieux n'ajoute rien à l'intérêt de cette fin, mais on ne peut ignorer le messianisme de cet aspect religieux: l'acceptation d'une condition, au nom d'un pari, peut bien sembler folle à un rationaliste. Il n'en reste pas moins que les dernières paroles de Sonia marquent à la fois la fin et l'espérance d'un prolongement.
Si le bonheur est un idéal de l'imagination, si l'imagination étend la mesure du possible, comment ne serait-il pas nécessairement manqué: ce qui oriente vers un au-delà qui semble tellement possible puisqu'il justifie l'injustifiable de la souffrance des innocents. Les souffrances prennent un sens comme le sacrifice, si l'amour se nourrit de sacrifices. Elles se noient dans la charité comme un fleuve orienté dans une mer, elles se perdent et sont transfigurées un peu comme le mal est transfiguré en fleur que l'on trouve jusque sur le fumier.

  On saisit alors, en un  autre sens, que l'oeuvre de Tchékhov est bien alors accordée au thème de la recherche du bonheur car le simple fait de poser ce thème revient à poser le problème de la possibilité ou de l'impossibilité d'une telle recherche pour un être déchiré entre la pensée qui s'élève à l'absolu, ce qui a sa raison d'être en soi, et les appétits de la vie: pétri de beauté et de vulgarité, incapable de nier l'infini qu'il porte en lui et incapable de s'en débarrasser, alors même qu'il se méprise... c'est assez pour une fin dont on croit connaître la suite