De
la recherche
=>
C'est l'action de pousser vers, dans la même direction, continûment,
avec application. Une action raisonnable, intelligente, orientée
vers une fin que l'on veut obtenir.
Ne confondons pas: le chercheur d'or (Le Clézio)
, il cherche un trésor sans savoir si l'or peut apporter le
bonheur, si cela vaut le coup, si cela importe vraiment ou même
si le trésor existe là où on le cherche! Mais dans la
recherche du bonheur, on s'interroge sur se conditions, sur sa
possibilité, sur les moyens pour obtenir ce bonheur que l'on
prend pour fin. Le chercheur d'or sera déçu.
La
recherche implique donc une enquête sur ce que
cela pourrait être que le bonheur, sur ce que devraient être
ses caractères essentiels pour que ce soit un bonheur: plénitude,
par exemple. Le bonheur sera-t-il donné comme le trésor caché
dans l'extériorité ou est-il à conquérir au fond de soi?
S'agit-il de la recherche de son propre bonheur qui devient la
fin suprême, ce qui transforme l'autre en obstacle ou en simple
moyen et fait éclater la morale, ou s'agit-il de la recherche
d'un bonheur partagé comme dans l'amour? Ou encore s'agit-il
d'un bonheur d'exercer une liberté totale pour peu qu'on la
limite à ce qui dépend vraiment de nous? (=> Stoïcisme de
Sénèque)
Peut-on
déterminer un concept du bonheur? Le déclarer indéterminable
reviendrait à lui refuser un contenu universel et nous
interdirait de savoir ce que cela est que le bonheur: ce ne
serait plus qu'un idéal de l'imagination... Si la recherche
exige une enquête, un raisonnement vigilant qui unit étroitement
la raison et l'observation,sur quoi s'exercera ce raisonnement
vigilant?
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Tout un chacun aspire au bonheur et le cherche. Ce faisant
chacun met sous le terme bonheur ce qu'il imagine et c'est bien
l'imagination qui étend la mesure du possible et affole le désir.
Chercher le bonheur revient donc ici à
chercher ce qui n'est pas possible et chercher ce qui n'est pas
possible c'est courir à l'échec et perdre son temps. Ainsi les
personnages de Tchékhov sont bien vite repris par l'ordre du
monde et par l'ennui ou par cette solitude qu'ils voulaient
briser. Ainsi chercher le bonheur c'est se condamner à
l'errance car, selon l'affirmation de Rimbaud, la vraie vie
est ailleurs.
Mais cet ailleurs ce peut être dans un paradis imaginé, (=>
La fin de oncle Vania) ce peut être en soi et par soi
comme raison et intelligence (=> Stoïcisme, Sénèque) ou au
fond de soi dans l'absolu du sentiment, dans l'amour (Le Clézio).
Le paradis, on ne peut ni le chercher ni le rechercher sur
terre.
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Peut seule prétendre tenter d'obtenir une fin sans perdre son
temps, une recherche consciente de soi:
- éclairée par: la raison (c'est possible
comme non contradictoire), l'intelligence comme
pouvoir d'utiliser des moyens (ou de les inventer s'ils ne sont
pas disponibles) pour obtenir une fin.
- mue par la volonté, qui reprend un désir
grâce au pouvoir d'attention par quoi se mesure effectivement
notre degré de liberté.
Au prix de la mobilisation "en synergie" de ces
trois facultés, (raison , intelligence, volonté)
chercher se trouve transfiguré en rechercher:
une recherche pleinement humaine.
Cela suppose la foi en l'acte de philosopher, ce retour sur ce
qui est simplement vécu qui élève la simple existence au rang
d'existence pleinement humaine- par la pensée. Dans les trois
oeuvres il faudra donc aussi étudier le degré de mobilisation
de ces trois facultés sans lesquelles on est semblable à
l'homme égaré qui ne sait où il va ,parce qu'il cherche et ne
recherche pas.
Cela
ne doit pas nous conduire à ignorer les contestations de la
philosophie qui fusent jusque dans Sénèque mais aussi dans
l'ironie de Tchékhov qui fait proférer des paroles de
philosophes aux personnages qui pensent le moins. Cependant
à ignorer la philosophie on risque d'échouer avant même
de commencer ou au moment où on commence ce qui est le lot des
personnages de Tchékhov. on risque le ridicule
de vouloir une harmonie entre le stoïcisme et l'épicurisme
pour jouer sur les deux tableaux et ce ridicule guette Sénèque.
On risque parfois le tragique (=> Le Clézio)
de parier sur la parole et le chant pour donner l'existence à
une non-existence. |