Une
finalité circulaire: de la chambre à la chambre,
dans une maison au plancher vermoulu, pareille à
une épave, aux bardeaux disloqués, à la
charpente qui craque...
"Je
me glisse hors du lit ... Je sais que Laure ... retient
son souffle." |
"Je
me glisse sous la moustiquaire ... J'entends Laure qui
soupire" |
La
caractéristique d'une finalité linéaire c'est
de s'engager dans le mauvais infini d'une recherche du
plaisir-en-mouvement (= qui disparaît dès qu'on l'a), comme si
le désir pouvait être réduit au besoin sans renaître sans
cesse, comme la soif. Le démenti porté par une soif que rien
ne peut étancher exige que soient distingués le plaisir et la
joie, le besoin et le désir, l'existence aliénée et
l'existence réussie dans la joie.
A une finalité linéaire toujours en fuite, celui qui recherche
le bonheur croit possible de substituer une finalité
circulaire semblable à une promenade dans l'espace
qui, nuit et jour, revient à son point de départ, dans la sécurité
de la répétition du même.
C'est bien l'illusion, comme satisfaction imaginaire d'un désir
- dont la triple figure, la sécurité, la curiosité, et
l'immortalité emplit l'enfant, qui permet de croire à
l'existence antérieure d'un paradis où la recherche du bonheur
pourrait concilier la curiosité et la sécurité parce que non
seulement le promeneur revient à son point de départ mais
parce que la promenade semble s'exercer dans un cadre immuable,
celui de la nature offerte à la curiosité et celui de la
famille qui semble offrir la sécurité.
Mais
l'extrême violence de l'ouragan à venir et du temps menace
tout et arrache l'enfant aux racines . Très vite le cadre et la
peinture vont être minés par les Éléments et le devenir pour
laisser place au grand large de l'aventure transformant l'enfant
enraciné en nomade de l'espace et du temps, habité par
l'infini: le nomade qui doit toujours briser ce qu'il a formé
avant que cela ne se transforme en chaîne aliénante: l'avoir
ne fait pas bon ménage avec l'être comme si c'était l'un ou
l'autre. "S'en aller" devient aller cette parole de
vivant, cette manifestation de l'existence comme liberté.
Le
problème que pose la recherche du bonheur est de trouver une
forme de finalité circulaire qui puisse accompagner toute
une existence: il s'agit que ce ne soit plus une utopie de
l'enfance ou de la vieillesse. Qu'elle soit autre chose que ce
qui encadre l'existence humaine: une enfance qui prendra nécessairement
le goût d'un paradis perdu et une vieillesse, celle d'un
promeneur qui rêve, bercé par le rythme au bord d'un lac. Le
bonheur et sa recherche ne saurait relever de l'enfance et du
retour à l'enfance: serait-il imbécile?
Peut-on réduire la recherche du bonheur à la conquête de
l'inutile? Le bonheur consiste-t-il à revenir sur ses pas, à défaire
ce qui a été créé, "pour être enfin libre"? (page
373) |