La
voie positive (suite).
Ce quelque chose que la mer reflète. .
En
nous donnant des conditions du bonheur et sa caractéristique
essentielle comme exercice incarné de la liberté, reprise de
la nature par la liberté dans l'amour et dans l'amour de la
vie, la mémoire du paradis terrestre, semble cependant
interdire la possession d'un bonheur durable à l'être
raisonnable sensiblement affecté que nous sommes, car la
possession serait passion et aliénation. En effet notre nature
d'être sensiblement affecté nous soumet à des actions qui ne
sont pas les nôtres et nous fait donc éprouver des passions ce
qui empêche le plein exercice de notre liberté.
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Par
exemple, le médecin Astrov (cf. Oncle Vania, Tchékhov), d'une
part, comme être raisonnable agit continûment pour la santé
de ses patients, mais, il se livre aux effets de l'alcool
d'autre part, et il éprouve un sentiment bien naturel: il
n'aime personne, il n'aime pas les gens et il désespère de
jamais aimer. Ne se déclare-t-il pas soumis à la passion du
temps lorsqu'il gémit: "Il est trop tard pour moi".
Ne signifie-t-il pas que même que les sentiments se sont émoussés,
que l'ordre du temps qui fait apparaître et disparaître a
triomphé, et que ces luttes contre sa nature pour rester "les
mains blanches" ont été vaines. Ce qui ronge les
personnages de Tchékhov, c'est l'absence de médiation.
Comme
si nature et liberté étaient incompatibles: les
meilleurs commencements, ces matins du monde, se perdent parce
que la compromission n'est pas une médiation. Seule l'illusion
peut donner l'impression fugitive d'échapper au déchirement et
à la déchéance, mais les bonnes résolution se perdent dans
les saouleries nocturnes.
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Ce
qui scande l'action heureuse et libre, ce qui la transforme
c'est donc le temps, ce grand maître, qui par le changement
qu'il impose force à quitter ce bonheur et l'homéostasie, l'équilibre
harmonieux qui le nourrissait. Ce qui est passé est mort et le
passé est un tombeau avant que l'écriture si elle est aussi
chant et parole, ne le sauve en quelque sorte. Mais là encore
le récit est plus une incitation à vivre qu'une invitation à
revivre: car vouloir revenir dans ce présent lumineux qui a
disparu c'est le mouvement même de la passion tragique qui pulvérise
la possibilité même du bonheur, plonge dans l'impuissance et
condamne aux satisfactions imaginaires de l'illusion, comme si
le présent pouvait être confondu avec le passé (le présent
d'un enfant, le présent d'un adolescent, le présent d'un
adulte qui n'est jamais arrivé...).
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