Comment
faire du temps destructeur un bien propre, comment le faire
sien? La réappropriation du temps dans le chercheur d'or.
Quitter
l'espoir qui aveugle et qui maudit le présent pour
l'espérance qui bénit le présent et l'auréole d'un
fabuleux bonheur, celui qui naît de la reprise de ce qui est
donné par la contemplation active dans une suite de
maintenant où la vie prend des accents d'éternité grâce au
chant et à la parole.
"Je
voudrais parler à voix basse de ces choses qui ne finissent
pas... parler de voyages" (Folio, page 374).
-
Se réapproprier le temps c'est donc reconnaître que l'exercice
de la liberté ne peut se conjuguer qu'au présent dans
la mesure exacte où le maintenant du passé ne dépend plus de
nous et dans l'exacte mesure où le maintenant à venir ne peut
être visé qu'à travers le maintenant présent ; où on ne
compte que sur soi et sur l'être qui ne manque jamais. A la
monotonie mécanique du temps "mesurée", dans tous
les sens du terme, la recherche du bonheur substitue la
profusion du présent vivant à qui seule la liberté peut
donner un contenu suffisamment léger pour que
jamais il ne se transforme en chaînes (Folio, page 373).
Tel
le Phénix, la recherche du bonheur ne disparaît que pour renaître
selon une finalité circulaire qui mime la mouvance de la mer
dans le retour du même, dans le mouvement final du roman pour
retourner sur ses pas, pour découvrir que la liberté est le
bonheur, la fin suprême de l'existence.
-
Se réapproprier le temps c'est donc parier pour le
Sens, pour une signification et une orientation vers ce
"quelque part" où on peut encore parler des choses qui
ne finissent pas. Ce pari exige le Sens, ce qui revient à
dire qu'"il devrait y avoir un Dieu" (Le Déluge, page
260)
C'est
par une décision qu'on utilise le temps en lui
donnant un sens. La finalité circulaire utilise le temps pour
revenir sur ses pas, ce qui revient à repartir, et donc pour la
réalisation de projets qui n'ont pour fin que la propre liberté
de celui qui les pose. Se réapproprier le temps c'est donc décider
que le temps aura pour soi: une image de l'éternité comme
retour du même qui appelle vers un refuge "de l'autre côté
du monde." (Folio, page 375)
"Et
je crois qu'à force d'en parler un peu cette immortalité est
en nous, nous unit contre la mort si proche." (Folio,
page 358). |