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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

La recherche du bonheur

  La recherche du bonheur et l'amour

Chez Tchékhov, Oncle Vania (1)

  •  (Tchékhov) (Traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan - Editions Actes Sud Babel). 

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Posons comme points de départ peu contestables quelques caractéristiques communes au bonheur et à l'amour:

- Bonheur et amour sont recherchés par des êtres raisonnables sensiblement affectés.

- Bonheur et amour sont intermittents: nous sommes les intermittents du bonheur et de l'amour.

- L'opinion qui traduit ses besoins en connaissance les confond au point de croire que celui qui aime est nécessairement heureux

- Bonheur et amour tiennent leur "existence" (= être pour quelqu'un) d'une illusion comme satisfaction imaginaire d'un désir: désir d'échapper à la solitude comme discontinuité entre les êtres et soi dans l'amour; désir d'une rencontre entre soi et un autre terme, désir d'un rapport entre deux termes dont on attend le bonheur.

De ces hypothèses, nous pouvons tirer deux conséquences: 

- L'amour pose deux termes distincts et attend de leur rapport le bonheur: pourquoi pas qu'ils vivent l'un pour l'autre? (=> Madinier, Conscience et amour). Retenons seulement que l'amoureux attend le bonheur de rapports entre le soi et un objet qu'il a posé. Il ne se contente donc pas que de lui pour se rendre heureux mais attend le bonheur d'une rencontre et par là se lie aux vicissitudes de la fortune et à l'inconstance du désir.

Il croit échapper à la discontinuité en imaginant un avatar, le fruit d'une projection. Mais en mettant son espoir dans le deuxième terme: tout ce qu'il a été incapable de réaliser, son ennui, ses échecs, son impuissance, il en attend la réalisation, ce qui est un processus d'aliénation. 

D'ailleurs puisqu'on ne voit pas les coeurs, force est d'imaginer le deuxième terme et comme l'imagination étend la mesure du possible, on ne peut recueillir de l'aventure que des déceptions: dans le pire des cas, la violence morale en sera la conséquence: le soi tyrannise Eléna  (Sérébriakov), torture (Vania) ou encore exerce un odieux chantage (Astrov).

Première conséquence.
En posant deux termes distincts l'amour ne pose-t-il pas du même coup une discontinuité qui renvoie chacun à soi? En demandant à un autre terme un rapport amoureux pour avoir le bonheur dans un attachement réciproque, n'est-on pas en train de s'engager dans une relation d'affaires, dans un échange commercial?

Ce qui se forme en réalité c'est une passion: un asservissement à une croyance, puisque le deuxième terme (l'avatar que l'on construit) n'est qu'une croyance

Deuxième conséquence.
Si l'amour est rêvé comme union libre, il faut bien que d'une part soit refusée la dualité qu'il a commencé par poser (deux êtres distincts).

Mais d'autre part, il faut que cette dualité soit acceptée pour qu'il y ait la liberté dans l'union.
L'objet, l'avatar, est une projection de soi ce qui permet la fusion et la disparition de la discontinuité; mais l'amoureux doit pressentir que l'objet n'est qu'un mirage, un être de fuite sous peine de ne plus le désirer. Alors il ne peut s'agir d'un acte mercantile. Au don de soi correspond un don de soi: au lieu de se regarder selon l'ordre de l'avoir, on regarde dans la même direction