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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

La recherche du bonheur

La recherche du bonheur et l'amour
-  De Sénèque, et de Le Clézio (page 2)

  • n Tchékhov) (Traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan - Editions Actes Sud Babel). 

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N'est-ce pas manquer à la prudence et suivre l'opinion que d'identifier la recherche du bonheur à la recherche de l'amour?

N'est-ce pas manquer de logique que d'identifier la recherche du bonheur à la recherche de l'amour libre?
Ces deux problèmes exigent au moins une réflexion sur l'amour et sur ses avatars.

Dans l'amour un être raisonnable sensiblement affecté trouve le plaisir qui accompagne la satisfaction d'un besoin, mais parfois s'oriente vers un objet qui lui semble unique et qu'il désire. Dans ce dernier cas l'objet aimé est aussitôt paré, par le rêve, du pouvoir de conjurer cette peur de la solitude, de la discontinuité des êtres, au creux de l'existence humaine. Voilà l'amoureux plongé dans la misère avec l'espoir de prendre possession d'un bien prodigieux, un trésor qui le sortirait de sa misère: le voilà à la fois malheureux car son présent est désespéré par l'espoir de trouver l'or qui lui permettra de tout changer à son gré et le voilà transformé en chercheur d'or enthousiaste car il ne doute pas d'obtenir dans cette recherche le bonheur et l'amour, dans tous les cas une reconnaissance dans tous les sens du terme. L'objet de l'amour ne sera-t-il pas possédé à partir du moment où on lui donnera une main. Ainsi dans La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette, le Prince, tombé amoureux de la jeune et jolie Mademoiselle de Chartres ne songe plus qu'à demander sa main pour l'avoir tout à lui: comme si l'amour ne relevait pas du désir et de la liberté mais d'un contrat, d'un échange, d'une relation d'affaires; comme si la volonté pouvait décider du désir en fonction du mérite de l'époux.

Mais la confusion de l'être et de l'avoir a pour conséquence la mort du désir et l'asservissement: celui qui ne sait pas défaire ce qu'il a créé avec son imagination ne peut plus dire que "J'ai été". La vérité, c'est ce que j'ai écrit, prétend le sophiste. La recherche du bonheur comme la recherche de l'amour, ainsi mal orientées, ne sauraient donc aboutir sans disparaître dans les sédiments de l'avoir ou du quotidien. Ce qui revient à dire que si le désir engendre la recherche; croire que la recherche peut aboutir c'est s'orienter vers la disparition de la liberté avec la mort du désir dans la satiété. La recherche du bonheur prend donc toujours un caractère initiatique, celui d'une révélation: en cherchant à avoir, on tournait le dos au bonheur! 
Ce qui se révèle c'est le désir de liberté et de beauté comme orientation vers l'infini: apparaît alors la signification de cette orientation comme affirmation des valeurs de pauvreté, comme affirmation de Dieu au delà de toutes les idolâtries, de toutes les passions honteuses qui demandent tout à un passé qui n'est plus.
Suivre le divin mais que le divin.

- "Le sage se contente de lui." Cité par Sénèque, Lettres à Lucilius, I, IX, 63.

Avons-nous bien mesuré la profondeur et les conséquences d'une telle affirmation? Voilà qui nous donne la clé du comportement du Corsaire (page 373) comme celui d'Alexis, page 348 dans Le chercheur d'or de Le Clézio?
Comme si la grande vague du stoïcisme irriguait l'oeuvre comme un défi au temps. Si rien n'est nécessaire au sage, c'est que le bonheur est au fond de soi dans ce pur amour qui enflamme l'âme du désir de beauté et d'abord de la beauté du monde et l'engage à négliger tout autre objet dans lequel le mouvement de leur existence s'engluerait.
Oui, la vérité de l'existence se trouve dans l'intériorité d'une pensée qui décide de son bonheur en suivant l'infini qu'elle porte en elle.