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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

La passion

La passion, pas les passions ? 

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- Où faut-il chercher l'origine de la passion? 
- L'homme peut-il échapper à la passion?

On remarquera le singulier "la passion" qui oriente l'attention vers un phénomène (mais la passion est-elle de l'ordre du phénomène, de l'ordre de ce qu'on voit?), à comprendre dans son unité. Il n'est d'ailleurs pas exclu que retrouver la passion dans son unité ce soit  se mettre, du même coup, dans les conditions pour la saisir en deçà de ses manifestations (les passions diverses selon l'objet) et du même coup répondre à la question posée.

Car origine peut alors signifier: ce qui constitue la passion, sa structure, et ce qui la maintient comme passion dans toutes les manifestations, dans sa pluralité. Dès lors que nous importent les manifestations? 
Il ne s'agit plus de chercher une multiplicité de causes que l'on pourrait décliner et classer comme explications ou interprétations mais d'un commencement, d'un avènement à soi dans un fondement qui ne saurait disparaître, que l'on ne saurait fuir parce qu'il est souffrance de soi, épreuve de soi et que, au fondement de l'objectivité comme soi présent à soi, il ne saurait être objectivé. La passion aurait pour origine le soi et pour caractère le désespoir de ce qui ne peut échapper à soi et trouve donc amers tous les voyages.

Puisqu'on nous demande de chercher, de nous mettre en quête de l'origine de la passion, il nous faut donc écarter les origines causales qui nous entraîneraient dans des explications et des interprétations comme autant de chemins parallèles qui ne sauraient se rencontrer et demanderaient à chacun de choisir et de croire: 
La physiologie des passions, l'ignorance et l'illusion, les pulsions inconscientes et l'imagination ou cette rage de métaphysique dont l'homme ne se débarrasse jamais et qui l'amène à désirer l'éternité ... Autant de causes concurrentes qui nous laisseraient sur notre soif dans notre recherche de l'origine.

La passion est-elle une simple maladie de l'âme, un désordre auquel il faut chercher le remède d'un ordre, ce dont on peut se débarrasser ou est-elle la "maladie à la mort": la maladie de celui qui ne peut mourir parce qu'il est cloué à son moi pour l'éternité (Kierkegaard, Traité du désespoir).
Qu'importe l'objet?
Imaginons quelqu'un qui aurait deux passions, il est évident que chacune en perd de l'intensité et qu'il n'en a aucune: voilà qui nous oriente vers la passion.
Qu'importeraient les objets si la passion est avant tout une forme. La formulation du thème ( la ) ne nous invite-t-elle à nous tourner vers une forme sans nous laisser distraire dans notre enquête par les contenus que la multiplicité et les variations disqualifient pour nous qui cherchons un ou des caractères de cette forme. Seule la forme nous permettra une bonne définition correspondant "à ce que cela est".
Il faut donc nous tourner résolument vers la passion non pas comme un phénomène qui apparaîtrait toujours divers à la transcendance d'un regard, un phénomène mondain aux rivages de lumière, mais comme un sentiment dont l'essence est l'affectivité qui, dans l'impossible effort pour échapper à l'épreuve de soi qui la constitue, explose en une force qui fait de la passion le moteur de toute action: le grand vent qui souffle dans les voiles. S'éclaire alors le rapport qui unifie ce qu'un dualisme vulgaire distingue: l'épreuve, le souffrir et le fait souvent constaté que cette souffrance s'accompagne d'action, au point que rien de grand ne s'est fait sans passion.

En conséquence, nous la chercherons aussi dans les coeurs simples, à l'origine de ce moi qu'un seul soupir résume, dans ceux qui nous font voir l'invisible, et dans la gnose des simples dirait Michel Henry.
L'enjeu, c'est l'objet qui a l'immensité de tout ce qui existe et de ce sans quoi rien n'existerait.
Le problème n'est rien d'autre que ce dans quoi nous sommes engagés, un mystère: l'incarnation.
Comme instrument méthodologique, la passion doit nous permettre de mieux nous reconnaître dans une monstruosité que La métamorphose de Kafka met en scène: porteur d'un Infini que nous ne pouvons fuir que par de l'errance et du divertissement, infini qui aspire à un absolu qu'il ne peut atteindre et qui dans les vies les plus médiocres et les plus simples fait souffler un vent paradoxal de plénitude perdue: une vocation dans l'ignorance de qui appelle et le déchirement de l'étrangeté du monde: une blatte métaphysique!