Rappelons
que nous vous proposons des pistes: vous avez à
choisir, à reprendre tel ou tel aspect, en pensant par vous même,
sous le regard de tous, en vous détournant de l'opinion
particulière pour vous tourner vers une pensée universelle que
vous aurez produite. L'opinion est de l'ordre du contingent, du
devenir, la pensée est de l'ordre du nécessaire, ou du moins
de l'universel qu'elle vise.
Les
figures de la fête changent mais les caractéristiques restent
les mêmes: on partage des croyances d'une certaine manière. Le
nombre des participants importe: l'énergie d'une fête n'est
pas la même si on est deux ou si on est cinquante mille à
danser dans la prairie...
Posons
comme un fait peu contestable que toute fête concerne un lien
social qu'il s'agit de manifester, de renforcer, que ce soit un
lien familial, un lien religieux, un lien politique... Par
exemple le culte totémique renforce le lien social. Le
fondement de la fête est toujours une croyance partagée, une
foi que la fête rappelle et renforce: comment s'effectue le
rappel et comment s'effectue l'intensification du lien social?
de quelle énergie jaillit cette intensification: comment se
fait-il que la somme des individus réunis dans une fête soit
infiniment plus importante que l'addition des énergies de
chaque individu dans la vie quotidienne. Comment le quantitatif
peut-il se transfigurer en qualitatif?
Remarquons
que toute fête semble superflue et que rationnellement
il serait possible d'en faire l'économie.
Pourtant, la fête est nécessaire, comme le luxe et
comme le don.
- Toute fête nie cette vie que nous traînons dans le
quotidien, un peu comme le supérieur nie l'inférieur. Il y a
comme une communion entre les participants et l'émergence
quasiment palpable d'un idéal opposé à la réalité
quotidienne, cet idéal devenant la réalité à laquelle le
groupe participe.
Fête
a pour origine festa
dies, jour de
fête en latin.
A
l'origine toute fête était religieuse. On entrait dans la
ronde communautaire et dans telle ou telle communauté
religieuse attiré par le rythme des fêtes, par leur
rayonnement. Le rythme comme retour à intervalle régulier d'un
temps fort: ce que l'on attend, ce que l'on vit, ce dont on se
souvient, ce dont on attend le retour...
-
Par exemple, la Toussaint, fête dans laquelle
la ronde s'étend aux grands disparus, à ce passé qui
nous a fait ce que nous sommes, qui imprègne notre langue.
Bien entendu après la fête il faut parfois gérer le retour à
la réalité.
La
fête rappelle à tous des fins communes: ces
fins se déploient dans la fête, elles remplacent les fins égoïstes
et particulières qui séparent les individus dans la vie de
tous les jours. Cela produit l'illusion qu'il n'y a plus de
barrière (dans le don entre
les pauvres et les riches): les individus en effet se donnent
entièrement et obtiennent par là une sorte de plage commune
qui permet la rencontre, l'échange du même, si l'on peut dire.
Notez que cette union des fins produit une telle énergie
qu'elle se dégrade parfois dans des excès et débordements qui
se libèrent des contraintes sociales comme si, par la grâce de
la fête, les contraintes sociales n'étaient plus nécessaires.
Les
rapports se multiplient, une autre vie psychique apparaît,
d'une intensité extraordinaire: les sentiments partagés, les
émotions développent une grande énergie. Tout semble différent
comme si l'existence privée, solitaire et l'existence publique
dans les relations, se rejoignaient: on a le beurre et l'argent
du beurre.
Cette énergie et la communauté des fins partagées peuvent
faire de la fête le lieu où s'enracinent les grandes décisions
ou la commémoration de ces grandes décisions qui sont revivifiées.
La fête de la fédération, la fête de l'humanité, la fête
de Noël...
C'est donc comme si l'idéal ne faisait plus qu'un avec le réel.
Alors c'est comme si chacun voyait les prémisses de la venue
d'un sauveur.
- Si les églises
ont de plus en plus de mal à organiser ou à animer ces fêtes,
il est tentant de dire que c'est l'État qui doit prendre la relève.
(défilés sur la Place Rouge). Mais c'est la main mise sur les
foules et la fête de l'Idée reine, l'orientation vers le
totalitarisme.
Le marketing cherche à fabriquer des fêtes: c'est bon pour les
débiles qui croient n'importe quoi. Cela n'aura jamais
l'intensité d'une croyance partagée. En ce sens Halloween
n'est pas une fête ou alors tout au plus une mascarade autour
de squelettes empaillés.
Conclusion:
-
La fête est un fait social qu'il faut d'abord,
expliquer, traiter comme une chose et ensuite s'efforcer de
comprendre.
Une
piste de lecture: Durkheim, Jugements de valeur et jugements
de réalité, Armand Colin, Paris
Bonne
continuation. |