Comment saisir ce qu'est un groupe social sans nous interroger sur ce
qui le rend possible et le détermine dans une certaine mesure: la
sociabilité comme fondement du groupe social
La
sociabilité, le fantasme du noeud.
Le terme désigne d'abord un
ensemble, celui des relations sociales qui se déploient pour elles mêmes
dans la mesure ou la fin est toujours l'agrément de la relation sociale
elle-même: on dira par exemple que quelqu'un est sociable s'il ne limite
pas ses relations à la simple coopération pour obtenir ce qui est
simplement utile, mais s'il s'ouvre à des relations voulues pour
elles-mêmes et donc vers ce qui est vraiment utile, ce qui importe
d'abord à des hommes qui vivent de relations et d'échanges dans
l'amitié, en toute liberté de choix et de participation. C'est ainsi
que la sociabilité peut très bien devenir insociabilité pour peu que la
confiance disparaisse.
On appellera en ce sens sociabilité
l'ensemble des relations sociales qui se retrouvent dans des groupes
sociaux formant des réseaux de relations, des groupes primaires ou
micro-groupes, grâce auxquels l'individu se constitue: en choisissant, il
se choisit. La foule dira: qui se ressemble s'assemble.
Ces réseaux de relation ne sont possibles que parce l'homme a une
aptitude à vivre en société, ce qui revient à dire qu'il est capable
de vivre de manière permanente avec ses semblables pour peu qu'il les ait
choisis : par ses choix, sa vie devient une vie humaine dans des
relations qui le constituent tout en lui procurant des satisfactions.
En un
sens, par sa sociabilité l'homme n'est qu'un réseau de relations.
Or "groupe" de par son étymologie, "gruppro" en
italien signifie "noeud d'assemblage" dans lequel des
individus échangent entre eux et se constituent par
l'intermédiaire du groupe (tous les "autruis" qui
l'entourent, l'autrui-généralisé), auquel ils appartiennent, comme
les éléments d'une corde se soutiennent mutuellement et prennent
leur sens, leur signification comme leur orientation, du noeud
réalisé.
Les termes association, équipe, communauté ... désignent en fait
un noeud d'assemblage constituant des groupes sociaux ayant chacun
une sorte de règle du jeu sur laquelle ils modèlent leurs
attitudes et qui se modèle sur leurs attitudes.
Le noeud
n'apparaît que par l'assemblage des éléments ce qui revient à dire
qu'il n'est rien de plus qu'un ensemble de rites, un ordre convenu, comme
la structure d'un système issu de la créativité de chacun mais qui, en
retour, organise cette créativité.
Nous voilà donc
arrivés aux groupes sociaux qui naissent de la sociabilité, ce goût des
relations choisies librement mais en fonction d'affinités conscientes ou inconscientes
et du besoin de fantasmer, d'imaginer un groupe pour mieux supporter la
réalité et son emprise, ou même pour lui échapper par intermittence
dans des rites d'amitié où "l'on baisse la garde" et dans
lesquels on se trouve en confiance.
C'est un fait peu contestable que toute tentative pour réduire le réseau
de relations à une Société se noie dans la myopie de l'amalgame et
refuse la voie de l'intersubjectivité constitutive du réseau dans la
mesure où elle permet la satisfaction de communiquer et l'association, la
collaboration de quelques être humains dans une relation intime d'homme
à homme.
Une piste: l'insociable
sociabilité (lien ouverture nouvelle fenêtre)
Joseph
Llapasset ©
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