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Eric-Emmanuel Schmitt

 

L'Evangile 
selon Pilate

Un aperçu de Joseph Llapasset   

 Beaucoup plongeront dans ce roman pour émerger deux heures après avec cette impression enivrante de ne plus avoir soif.

L'intérêt d'un roman c'est qu'il permet un dire créateur, l'auteur étant le démiurge qui doit se garder de perdre de vue le modèle choisi. Dans L'Evangile selon Pilate, Eric-Emmanuel Schmitt nous entraîne, parce qu'il est entraîné, dans deux volets successifs: un prologue de 108 pages, en première personne dans lequel Jesus s'analyse, avant sa passion; le témoignage de Pilate (226 pages).

Avec beaucoup d'intuition, de compréhension, mais aussi beaucoup d'assurance et d'audace, l'auteur fait parler un homme qui prend progressivement une dimension divine, en puisant dans une nappe phréatique qui l'inspire et l'appelle à préférer l'amour à un bonheur qui serait fermé sur lui-même. Nous le suivons, nous l'accompagnons, nous prenons son regard jusqu'aux derniers instants du Mont des Oliviers. Et l'auteur ne ménage pas des éclairages crus et rationnels: à chaque instant le vertige attend le lecteur, par exemple l'inouï d'une trahison de judas, demandée par Jésus lui-même, qui ne serait donc qu'une figure de la fidélité.

Le deuxième volet narre le parcours de Pilate et son témoignage: nourri de la pensée grecque, de cette certitude que la lumière est source de vérité, de ce goût de la recherche qui dévoile toujours les manigances de l'ombre, Pilate se lance dans une enquête sans douter un seul instant du triomphe de son raisonnement vigilant. Des péripéties de cette recherche, de ses apories, L'Evangile selon Pilate naîtra et avec lui ce sera la déconfiture d'une pensée grecque terrassée par le judaïsme.

Schmitt se noie un peu dans les difficultés du Verbe fait chair et n'évite pas toujours la naïveté de nous présenter un homme qui s'attend à ce qui va lui arriver, ce qui enlève beaucoup à son humanité, et rend l'aventure quelque peut virtuelle.
Reste que le lecteur ne peut s'arracher à cette épopée de la simplicité, tant est fort le mouvement d'intelligence et de foi qui l'anime. A se demander si l'auteur n'a pas percé un de ces secrets que cherchent nos médiologues contemporains, celui de la transmission: ce serait l'écho en chacun du puits sans fond dans lequel il peut, s'il le veut, lire sa filiation et suivre l'enseignement de celui qui lui en parle.

Paradoxalement ce beau texte scrute l'infini de l'amour en nous conduisant sur des chemins qui ne s'éloignent jamais de l'humanité.

 

 

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