° Rubrique lettresJ'aime les livres

Marie-France ROUVIÈRE

Cornelia, mère des Gracques


 

Que le terme "Gracques" n'effraie personne. Il désigne par le nom de famille deux frères unis par le même combat pour plus d'égalité et plus de liberté, les enfants d'un consul romain, Tibère Gracque. (169 avant J-C)

Ce Tibère avait épousé Cornelia, rien de moins que la fille de Scipion l'Africain. De son père, Cornelia avait la ténacité et un grand souci de cette morale qui est vertu, courage. On dira que tout cela est bien loin de nous, que j'exagère en le proposant à tous comme "livre de l'été"; et pourtant...

Il faut lire cette épopée féminine comme un roman historique. Marie-France Rouvière met en évidence ce fait bien surprenant: l'étrange, prenante et passionnante actualité du passé, d'une période qui s'élève à l'universalité et qui nous rejoint, pour ainsi dire, nous aide à mieux voir et à mieux nous voir.

La pensée unique "ressasse" que l'individu est le reflet d'une culture qui lui assigne telle ou telle place dans la société et lui impose telle ou telle conception du monde. Chacun aurait sa place prédéterminée comme dans un  système qui se déroule en lui, sans lui. Le progrès serait nécessaire. C'est ignorer qu'il n'y a pas de culture sans une reprise personnelle.

Cornelia prouve que l'on peut devenir la femme que l'on a choisie d'être, sans renier ses racines: on peut effectivement se laisser aller au déterminisme ambiant, au prétendu "vent de l'histoire". Mais on peut aussi en choisissant une conduite, se choisir  et mener une de ces actions qui poussent continûment dans la même direction.

La Rome du II ème siècle se trouve à la croisée des chemins: 

  • ou bien se laisser aller au flux d'un devenir qui semble couler vers le maximum d'inégalités, l'étouffement de la liberté, vers un Empire baigné de sang et de servitudes, selon la violence des nantis, 
    ou bien tenter une révolution plus juste qui redistribue les terres (égalité) et permette la représentation du peuple par des tribuns (liberté), c'est ce que les Gracques ont conduit.

Cornelia, mère admirable, élève ses deux fils de telle manière qu'ils deviennent capables d'être "auteurs d'une histoire", et non pas simples spectateurs. Ainsi, est-elle la femme du devoir, de l'héroïsme. 

Que tout cela finisse dans un bain de sang et par le triomphe des aristocrates, ne change rien, l'aventure devient exemplaire. Le pan d'histoire élevé par les Gracques ne passe pas et reste devant les regards de celui qui s'interroge sur la condition féminine, sur la Vertu et sur la liberté. L'héroïsme nous enseigne que la liberté est toujours à prendre au risque de sa vie.

Ainsi le lecteur de l'été trouvera à suivre le fil du texte, non seulement un roman passionnant mais aussi l'occasion de retrouver le meilleur de lui même: au sein d'un ancien régime, inventer, pour en sortir, des chemins de liberté, d'une liberté morale.

Ce roman historique relève de la création , il réjouit notre cœur et notre esprit dans l'admiration d'une écriture atteignant la perfection, la fluidité de la beauté, celle de la mer.

Je vous laisse devant ce début stupéfiant: "Phrase terrible en forme de clameur. Cornelia l'avait entendue de la bouche de son époux..."

Découvrez: Cornélie mère de Gracques de Noël Hallé 1781 Huile sur toile au Musée Fabre de Montpellier

On doit à L'Harmattan, l'édition de ce livre bouleversant.

J. Llapasset

--

° Rubrique lettresJ'aime les livres

2010 ©Philagora tous droits réservés Publicité Recherche d'emploi
Contact Francophonie Revue Pôle Internationnal
Pourquoi ce site? A la découverte des langues régionales J'aime l'art
Hébergement matériel: Serveur Express