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« La science »  

Scientificité des sciences économies ? (par P. Montfraix)

Une science de l'incertain est-elle encore une science? 

- page 1: discussion sur le statut des Sciences Économiques 
- page 2: Formaliser les comportements économiques
- page 3: L'incertitude économique
- page 4: La monnaie
- page 5: Qu'est-ce qu'une science économique?

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"La vérité n'est pas l'exactitude" H. MATISSE

S'il est une question classique qui ouvre nombre de problèmes c'est bien celle de la définition d'une science. Pour simplifier, on dira que l'on peut définir une science par trois critères : un objet spécifique (l'homme, les astres, les végétaux, etc), un projet cognitif, une méthode analytique et expérimentale qui permet de vérifier des hypothèses de travail.

La superposition des deux premiers critères permet de distinguer les sciences "dures" des sciences "molles". Les sciences "dures" peuvent se prévaloir d'une certaine "vérité" de l'objet. La physique est "universelle" (au sens ou elle vaut pour l'univers), les fonctions organiques du corps humain sont les mêmes pour toute l'espèce. Les sciences "dures", de fait, supposent l'objet, le posent comme un donné. Même si Karl POPPER a montré que "la vérité" de la science est relative et limitée à la "falsifiabilité" de la démonstration, cela ne soustrait rien à la vérité de l'objet. Les sciences "molles", dans lesquelles on a coutume de ranger les sciences humaines et sociales, ne peuvent offrir cette vérité "naturelle". Elles sont contraintes de "construire" un objet dont elles mesurent par avance la relativité. Pour elles tout est affaire de points de vue. Ne pouvant offrir une base plus solide, leur projet cognitif est amoindri ainsi que leurs capacités prédictives et opératoires.

Dans ce dialogue classique, les Sciences Économiques ont une position originale. Par le formalisme mathématique de leurs méthodes elles se rapprochent des sciences "dures", mais par leur objet elles tiennent des sciences "molles". Il suffit de retenir la définition qu'en donne l'économiste américain et prix Nobel Paul SAMUELSON: les sciences économiques sont "les sciences des choix". Quelle "vérité" recèle un choix sinon celui purement subjectif de son auteur? Certes, des phénomènes économiques se produisent réellement tous les jours (échanges, investissements, circulation de monnaie). Mais cette vérité là ne peut qu'être décrite. Or une science a surtout une fonction cognitive. Si les sciences économiques sont "les sciences des choix" cela signifie que leur objet n'est pas la matérialité des actes d'échange mais leurs motivations. Cette tension entre objet et méthodes font des sciences économiques une exception. Dans quelle catégorie les classer ? La question est d'importance car la force des sciences dures tient dans leur capacité prédictive dérivée de la "vérité" de leur objet. Les sciences économiques peuvent elles prétendre à ce statut ? L'impact social et politique de l'économie exige d'être clair sur cette question. Les analyses théoriques des phénomènes économiques sont-elles fiables ? Les prévisions qu'elles en déduisent ont-elles une chance de se réaliser ?

  • En fait, les sciences économiques ne sont-elles pas tout simplement des sciences de l'incertain?
    Et dans ce cas, qu'est-ce donc?
    Peut-on encore parler de science ?

On peut dire, avec une pointe d'ironie, que l'incertitude est un concept flou. Dérivé du latin "certus" qui signifie "sûr", il en désigne l'inverse, le manque d'assurance. Mais l'incertitude se distingue aussi d'un concept proche : le "probable". Si la probabilité englobe un sentiment d'incertitude, celui-ci ne porte que sur le moment d'un événement. Ainsi que le montrait le grand économiste anglais J.M. Keynes dans son maître ouvrage "La Théorie Générale de l'emploi de l'intérêt et de la monnaie", un événement probabiliste est sûr, le futur probable n'est pas hypothétique. La certitude qu'un dé fasse "6" n'est pas discutable, seuls le nombre de coups nécessaires l'est. Les sciences économiques relèvent cependant plus de l'incertitude que de la probabilité. La distance qui s'est progressivement creusée entre les postulats constitutifs de la discipline et leur efficacité heuristique et cognitive réelle en est probablement l'explication.

La construction de l'économie comme Science à partir du XIXème siècle s'appuyait en effet sur trois postulats fondamentaux.

Le premier postulat fût celui de la rationalité des comportements économiques.

Les fondateurs de la discipline ont pris pour hypothèse que les actes économiques sont toujours motivés par l'intérêt. Entre des besoins infinis et des ressources trop rares pour les satisfaire, les individus doivent réaliser des choix. Or choisir nécessite un calcul coût / avantage qui permette d'assurer le maximum de satisfaction pour le minimum de coût. Quand j'achète ma baguette de pain, je compare son coût avec la monnaie dont je dispose (les ressources rares) et mon besoin alimentaire. Selon que j'ai ou pas la somme requise je peux : acheter, continuer mon régime, tenter de négocier ou changer de boulangerie. Dans tous les cas, le motif déterminant du choix sera mon intérêt. Qu'il soit financier, éthique ou esthétique importe peu. Rien n'est alors plus rationnel que ce choix.

Les sciences économiques vont ainsi faire de cette raison là, celle de l'intérêt, leur paradigme fondamental. A la fin du XVIII ème siècle, le père de l'économie politique Adam SMITH considère, dans "La richesse des nations" que les comportements collectifs reproduisent cette démarche individuelle. Dès lors, l'harmonie sociale est paradoxalement assurée malgré la recherche par chacun de son intérêt personnel. C'est la fameuse théorie de "la Main Invisible". Le fonctionnement mécanique du marché et des prix assure une régulation "douce" des comportements individuels et réduit les risques d'éclatement social. SMITH s'inspire même du modèle newtonien en faisant référence à la "gravitation" des prix autour de leur niveau naturel. L' économique entre par ce biais dans une démarche naturaliste directement reprise des sciences "dures" embryonnaires

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