Mouvement (p. 149).
Une navigation hasardeuse, au
milieu des plus grands périls de la mer et du déluge, sur un
bateau chargé d'aventuriers cosmopolites, n'empêche pas l'amour de s'affirmer.
"Un couple de jeunesse
s'isole sur l'arche - est-ce ancienne sauvagerie qu'on pardonne? - et chante, et
se poste".
Ce retour
à la simplicité primitive nous repose des complications précédentes.
Génie
(p. 150).
L'éditeur a choisi cette
profession de foi, pour terminer la révolte en apothéose.
"Il est l'affection et le
présent, puisqu'il a fait la maison ouverte à l'hiver écumeux et à la rumeur
de l'été, lui qui a purifié les boissons et les aliments, lui qui est le
charme des lieux fuyants et le délice surhumain des stations".
Ces affirmations demandent un
certain effort de compréhension, mais elles sonnent bien!
Dans cet hymne à l'amour universel, nous retrouvons les rêves de libération
et d'épanouissement de Rimbaud.
Il se démarque de la tradition chrétienne, en remplaçant
la figure du Christ par un génie, qui a, en gros, les mêmes caractères,
et qu'il célèbre dans des termes rhabillés de rationnel et de métaphysique
(gageure délicate).
"Il est l'amour, mesure
parfaite et réinventée, raison merveilleuses et imprévue de l'éternité".
Il rejette la morale
traditionnelle, en piétinant allégrement les règles d'oubli de soi,
d'humilité et de partage que dut lui seriner sa mère:
"O, lui et nous!
L'orgueil, plus bienveillant que les charités perdues".
Avec ses
belles envolées, notre poète aurait pu faire un excellent tribun.
"Sachons, cette nuit d'hiver,
de cap en cap, du pôle tumultueux au château, de la foule à la plage, de
regard en regard, forces et sentiments las, le héler et le voir et le renvoyer,
et sous les marées, et au haut des déserts de neige, suivre ses vues, ses
souffles, son corps, son jour".
Le souffle
et la conviction de cette exhortation (assez confuse sur sa fin) nous découvrent
encore une facette de son talent prodigieusement varié.
Pour
Conclure.
Nous touchons au terme de
notre survol. J'emploie ce terme pour vous rappeler que mon but était de
vous donner une vue d'ensemble des Illuminations, par de
courts aperçus sur chaque texte.
Il manque à ce travail les observations concernant la vie de
Rimbaud, les rapprochements d'idées ou de termes entre ses
oeuvres et les remarques stylistiques. Vous les trouverez en
abondance dans vos différentes éditions. Ne manquez pas de les lire.
Nous avons pu voir comment un jeune exprime sa révolte.
!
Elle se fonde sur le refus de tout ce que lui impose le présent: des
superstitions, des limites à ses aspirations, des violences, une constante
hypocrisie.
Rimbaud exprime ce refus par le mépris, la dérision et par la négation
de cette réalité dérangeante.
Il s'en protège par la fuite, dans la réinvention
d'un monde à sa convenance, la fantasmagorie, et, parfois, le retour
à la simplicité de la campagne.
Il cherche pour se délivrer, les solutions les plus variées, les plus extrêmes, il y montre une
imagination
et une prescience tout à fait surprenantes, mais il aboutit
invariablement à un constat d'échec, au désespoir, ou à une résignation
forcée.
Il compense, en se vengeant par l'image d'une destruction radicale,
souvent donnée par le Déluge, et en substituant à l'oppression qu'il subit sa
propre domination, c'est à dire en exprimant sans retenue son narcissisme.
Il compense aussi en brisant la langue (cette belle langue française
qu'il aimait), en désintégrant sa pensée, en abusant des images
cruelles répugnantes ou odieuses, à la façon, oserais-je dire, d'un
enfant qui remâche des mots orduriers, ou qui saccage un beau livre à grands
traits rageurs.
Car, malgré ces éclats provocateurs, il reste un
enfant, sensible et nostalgique, il l'avoue (à son insu?) dans plus d'un
joli mouvement.
Par les sujets de sa révolte
et par sa façon de les dire,
Rimbaud se montre incroyablement novateur. Il devance d'un bon siècle
ses contemporains.
Aurait-il été plus à l'aise
à notre époque?
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