LIRE
FREUD LUI-MÊME
(suite)
Ce
pas de la négation — du pas
de rapport — n est pas foncièrement nouveau le judéo-christianisme, en
instaurant par son dire une rupture d’avec le paganisme qui sacralisait
la sexualité, révèle qu’il y a béance entre les sexes. Ainsi, Lacan
pouvait dire en son séminaire du 12 décembre
1972
Il n’y a pas eu besoin du
discours analytique pour que — c’est là la nuance — soit
annoncé comme vérité qu’il
n’y a pas de rapport sexuel.
Ne croyez pas que moi, j’hésite à me mouiller. Ce n’est pas
d’aujourd’hui que je parlerai de saint Paul. Ce n’est pas ça qui me
sait peur, même si je me compromets avec des gens dont le statut et la
descendance ne sont pas à proprement parler ce que je fréquente. Néanmoins,
que les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, ce fut la conséquence
du Message, voilà ce qui au cours des âges a eu
quelques
répercussions.
Il
faut le Christ pour faire rapport homme et
femme, vous ne faites un que
par le Christ ! Qu’ajoute donc la découverte freudienne ? Elle fait réponse
à la question posée sur la raison de cet impossible —
une raison autre que proprement religieuse.
En
effet, ce qu’elle montre, c’est que les voies qui indiquent ce qu’il
faut faire comme homme ou comme femme ne se déduisent pas de la sexualité
parce qu’elles dépendent
d’ailleurs. Elles viennent d’une structure de la parenté et de ses
lois, que Freud désigne à sa manière par le récit grec sur Œdipe.
Ainsi,
le fameux complexe est fondateur, en ce sens qu’il n’y a pas d’accès
à l’Autre du sexe opposé sans être d’abord fils ou fille du
langage, en tant que celui-ci vient suppléer
à l’impossible du rapport sexuel. Cet impossible entre homme et
femme vient de l’existence nécessaire d’un troisième terme
qu’introduit Freud sous le nom de phallus (qui n’est pas l’organe
!).
Or,
le phallus comme signifiant ne départage pas homme et femme en deux moitiés
complémentaires, mais s’ajoute comme supplémentaire pour chacun hétérogénéité
radicale, où le deux n’apparaît que comme rétroaction du trois, dans
la mesure où, de ce deux de deux sexes, on n’en peut rien savoir sans
compter d’abord trois avec le phallus.
Parler
de l’Œdipe, c’est simplement indiquer la nécessité de cette
transmission du phallus. Comment s’opère cet engendrement.
Pour
une grande part, la recherche et l’enseignement de Lacan tournent autour
de la paternité.
En
effet, à supprimer l’Œdipe, la psychanalyse relève du délire et de
l’abus, sous le prétexte de l’aide thérapeutique. Mais comment
situer l’Œdipe sans verser dans le rite religieux d’un mythe ou dans
la simplification outrancière du genre il faut tuer le père ?
Page
suivante
|