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La psychanalyse

L'antiphilosophie de J. Lacan, par J-L Blaquier

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Le sujet, effet du signifiant ? 

Le sujet est effet du signifiant du lieu de l'Autre où il se constitue, contemporain d'un anonyme degré zérologique de la subjectivité. La chute du sens ne résulte pas du signifiant, même s'il lui est subordonné. La chute du sens est historique, circonstancielle, non structurale. 
L'antiphilosophie, dans sa formule simple, atomique, esquisse une rencontre inédite, une théorie imprévue de la conversation entre champ clinique et champ critique, entre deux discours, celui de la psychanalyse et celui de la philosophie. La philosophie n'est pas une clinique au sens freudien, mais depuis son aurore grecque, elle est " thérapie de l'âme ", ouverture du travail de la représentation au " souci de soi ". L'oubli de ce constat amplifie le verdict freudien sur la religion comme " névrose universelle ". Si la clinique psychanalytique, c'est le réel comme impossible à supporter , la clinique du Malaise du sujet du Penser et du sujet du Désir dans la civilisation, dans la culture est largement ouverte à l'interrogation philosophique désormais " éclairée ", " fermentée " par le mouvement analytique.
- L'antiphilosophie n'est-elle pas un des principes du témoignage du Tiers commun cosmopolitique, ou encore le lieu planétaire immatériel, " à distance " et en devenir de l'archive de tous les savoirs de toutes les pratiques ? 
Désormais, les deux statues géantes la vallée de Bamyan détruites par le totalitarisme musulman resteront d'autant plus présentes dans les nouvelles cartographies numériques que les talibans d'Afganistan ignoraient qu'elles représentaient le Bouddha . Ce prélude d'inculture iconoclaste aux quatre attentats terroristes du 11 septembre 2001 dévoilait déjà la folie négationniste de l'impuissance islamique de type hystérique à reconnaître les signifiants de la culture de l'Autre. 
" Pour fanatiques qu'ils soient, les talibans sont la pointe immergée d'un iceberg séparant les deux mondes, le " riche " qui valide l'idée d'inconscient, et le " pauvre ", où cette même idée est invalide.L'histoire de l'inconscient serait-elle vouée à se transformer en un géographie ? "
L'antiphilosophie met en acte une éthique du dialogue, une politique de l'amitié supposant le plus grand respect pour l'adversaire, le différent, le différend l'Autre, mon semblant, si proche et si lointain, si intime et si étranger. La chute du sens, de la signification pour un sujet qui parle, place le signifiant au centre du procès énonciatif. Ceci s'observe au cours d'une cure. 
Une question surgit : 
- les sociétés démocratiques sont-elles en analyse ? 
La politique ne peut plus ignorer le statut du sujet issu de la révolution freudienne : le sujet césuré, barré au lieu de l'Autre qui ne se fonde d'aucune transcendance, d'aucune extériorité réelle. Le retour dans le réel du singulier du sujet (ignorant ou sachant sa propre altérité, son inconscient) est un des problèmes les plus graves que, d'après Freud, nous pouvons et devons nous poser. Lacan posait le " singulier " en tiers entre le particulier et l'universel.
Le transfert sur le savoir des Maîtres de vérité suppose la pratique et l'extension du droit de la philosophie comme résultat du travail de deuil du discours religieux, de la croyance en l'Autre absolu. La vérité première du sujet du signifiant n'est pas philosophique en ce que ni le sens, ni la signification ne sont la cause de l'acte de parler. La cause matérielle, au sens d'Aristote du langage, du parler est sexuelle, pulsionnelle en ce que l'homme se constitue, contrairement aux animaux comme un procès permanent de virtualisation de la pensée, du désir, de l'inconscient. " L'homme est un animal déterritorialisé " indique Gilles Deleuze.

L'hostilité à la culture la plus décidée est toujours remontée de la pulsion de mort au-delà du principe de plaisir immédiat, et attaque à la base du principe, du signifiant " world " qui trame et que toute humanisation. Elle vient de la forclusion de la singularité du sujet, de la césure, de la schize, de la refente du sujet adossé au réel et ne voulant rien savoir de ce vide dans le mur de la représentation (l'automatisme du signifiant) où, de l'Autre, naissent ses premiers signifiants. La misère de la religion provient justement de donner à l'Autre une existence pour laquelle le sujet peut échanger sa vie. Le sujet de la psychanalyse n'est pas substantiel mais relation, réseau signifiant en prise avec la matière pulsionnelle, réel de la psychanalyse. Sa négation est la cause permanente de l'obscurantisme. Le nom de " Dieu ", ce reliquat primordial du passage de la culture à la nature, n'est que la souveraineté du sujet livré à la nécessité du sacrifice dont l'idéal du moi est le trésor dangereux.

La lente advenue de l'humain vers la démocratie rappelle ceci : le désir de l'Autre s'origine dans l'Idéal du Moi (le " moi " idéal veut ou ne veut pas savoir quelque chose), aussi bien comme désir d'esclavage que comme désir de maîtrise. Si la jouissance, celle du Maître ou celle de l'esclave, est bien différente, la constance de sa position, de son trajet dans l'inconscient, est saisissante. Avant Spinoza ou Freud, La Boétie et Montaigne, les Stoïciens, tels que Sénèque dans ses Lettres à Lucilius, nous prévenaient de ce qui gît au centre aveugle toute logique subjective tramée par la chaîne psychique, cognitive des représentations : un obscur désir de servitude volontaire. Désir d'autant plus étonnant qu'il se confond volontiers avec l'aspiration idéale à la liberté, comme si la mort pour l'Autre pouvait réellement nous faire connaître ou nous délivrer du sort ordinaire de l'existence. Ainsi la logique du pire se représente souvent comme l'assurance de la certitude absolue, comme si le sacrifice masochiste au nom du père pouvait sauver de l'impermanence des choses, du devenir d'Héraclite, seul rempart ou pharmakon dans le fond contre l'ivresse de l'Autre qui existe.

- L'existence de l'Autre en sa forme la plus épurée, la beauté, n'est-elle pas le voile ultime contre la castration suprême qu'est la mort ? 
L'Autre n'est pas réductible à une entité esthétique, d'où la fonction du voile se déchirant dans l'héroïsme de l'extrême en sa version récente, islamiste, n'est que la part maudite fondamentale de la croyance religieuse et débile dans le Progrès absolu. La visée de l'être vers la mort (Heidegger) du nihilisme passif concerne le monothéisme en version ultime. Stade terminal, comme on dit en médecine.
- Le Saint Coran ne vient-il pas en troisième position, après la Thôra et les Évangiles, simple terminus de la religion du Livre ?
Ce terme, leurre paresseux de l'idéologie du Progrès, est aussi le poids insupportable du sacrifice rejeté dans l'Autre au nom d'une souveraineté totale du fantasme usiné par le sujet indivis qu'est le " moi ". La césure virtuelle du sujet par le néant, l'abîme, le vide ou le rien restent " passion d'ignorance " tant que le discours analytique n'ouvre pas dans l'histoire réelle l'espace clinique qui provient et produit la nouvelle alliance de l' " être " et de la " parole " : Parlêtre dit Lacan pour désigner l'inconscient, ce degré zéro de la philosophie cartésienne. " L'offrande aux Dieux obscurs " évoquée par Lacan est le reste tragique que toute théorie de la religion propose à la souveraineté : Dieu, le Sujet, le Fantasme et pourquoi pas l'objet a, Vide qu'un nouveau fétiche paradoxal, le zéro positif, pourrait incarner !

Pyrrhon est bien le théoricien du degré zéro de la réflexivité, l'athlète décidé contre tous les fanatismes ou toutes les folies de la certitude. Il fait valoir le nihilisme actif du doute, de la " suspension " radicale du jugement porté à la (re)présentation des choses.
- Dans la chaîne des percepts, des affects et des concepts, l'atome de toute représentation n'est-il pas issu de l'insubstantialité du langage qu'est le signifiant, le sujet, effet du signifiant ? 
Pyrrhon aurait été psychanalyste s'il avait été contemporain de Freud ou de Lacan. Il savait que ce que les Modernes ont nommé le Sujet, est un constructum des atomes du discours dont le nom moderne depuis Saussure est le signifiant (S1-S2), chaîne signifiante où se trament la subjectivité humaine et le destin de ses objets pulsionnels adossé au mur virtuel d'un Autre qui n'existe pas. La question athée du tragique dont Heidegger paye le prix fort pour l'avoir découverte, vaut d'en rendre compte cliniquement.

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