° Rubrique  Revue Pole-international

Les morts ont-ils des droits?


Comment penser  leur immortalité ?


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S'ils n'ont de droits que ceux que nous leur reconnaissons chichement, s'ils n'existent plus, alors les morts sont condamnés à disparaître définitivement avec ceux qui se souvenaient d'eux. Cette deuxième mort n'a pourtant rien à voir avec la première: en perdant l'existence, en perdant leur corps propre, les morts s'éteignent et disparaissent au regard des vivants. 
Par le souvenir, ils restent dans notre mémoire sous forme d'image, comme absence, dans notre pensée, dans notre piété ou dans le meilleur des cas dans la fidélité à la parole que nous leur avons donnée: mais cela ne leur donne aucune existence, aucune émergence dans la réalité.

Le droit que nous leur reconnaissons est arbitraire, autant dire que ce n'est plus un droit ajusté à l'existence d'une liberté, d'une dignité, d'une personne fin en soi. Parce que leur parole s'est tue et que leur corps s'est désagrégé, il semble bien que les morts n'aient plus de droits: que seraient les droits d'un "rien"? Un rien pourrait-il mériter le respect, pourrait-il revendiquer des droits alors qu'il n'est plus rien?

Et certes, les morts auraient des droits si d'une manière ou d'une autre ils continuaient à vivre, si par exemple leur personne, leur âme, était en quelque manière immortelle. Mais la foi en l'immortalité de la vie, paraît se heurter à de sérieuses objections et, en tout premier lieu, à celle-ci: qu'est-ce qui pourrait assurer cette immortalité? Certainement pas nous puisque si nous le pouvions ils ne seraient pas morts!

Ce n'est pas l'immortalité du souvenir, car nous aussi nous disparaîtrons. Il faudrait donc un souvenir qui puisse donner l'existence ... Or si l'on parie qu'il y a un être parfait, à cette condition nous pouvons penser l'immortalité: il nous faut en effet un souvenir, une mémoire, qui puisse donner l'existence et grâce auquel la vie continuerait. Ce ne peut être que la mémoire d'un être parfait: en Dieu, s'il y a un Dieu, l'essence implique l'existence; dans ces conditions tout ce qu'il pense est, parce qu'il voit quelque chose, elle apparaît: pourquoi sa mémoire comme pensée ne pourrait-elle pas ipso facto impliquer l'existence de ceux dont il se souvient?

Sous quelle forme? Ce ne serait pas sous la forme d'un pur souvenir mais sous la forme d'un souvenir vivant, posé dans l'être, d'une forme de vie que nous ne pouvons imaginer.

On voit donc que la raison ne contredit pas la foi, dès que la raison pense Dieu selon une compréhension rationnelle. Certains s'appuieront sur cela pour parier que les morts ont des droits et que c'est un beau risque à courir que d'avoir cette foi que la raison n'interdit pas d'avoir.

Il n'est pas impossible alors que,si un Dieu tient le pari, les morts continuent à avoir des droits non plus selon des lois humaines relatives,mais selon la reconnaissance que leur donne celui qui a sa raison d'être en soi.


J. Llapasset

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