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France Turquie

L'Appendicite, 

Il y avait de la compote de prunes au dîner....

Ömer Seyfettin (nouvelliste turc qui reste toujours sous l'influence de Guy de Maupassant) La revue de piyano n°11 (1910)
Traduite par AYTEN ER

 

Il y avait de la compote de prunes au dîner. Les prunes petites et jaunes étaient si délicieuses... Je les mangeais précipitamment après les avoir dénoyautées soigneusement. Enfin, j'ai rempli la cuillère des quatre prunes qui restaient au fond de l'assiette. Je les ai mises dans ma bouche. Toutes les quatre ont fondu dans une bouchée. Les noyaux, plus aigres et plus durs que la pulpe sont restés sur ma langue. Je les ai crachés lentement sur l'assiette devant moi. Il n'y avait que trois noyaux... Tandis que j'en avais mis quatre dans ma bouche. Je me suis demandé: "Aurai-je avalé l'un d'eux sans le savoir?" Non... Je l'aurai senti à coup sûr.

Donc, l'une des prunes était sans noyau! En prenant du café, j'y ai pensé; est-ce qu'il existe des prunes sans noyau? Toute la nuit, dans mon lit, je n'ai pu dormir; j'étais sûr d'avoir avalé le noyau perfide.
Il était très difficile de digérer ce noyau. II pourrait être cause de mort. Non pas pourrait être; il l'était sûrement. II pourrait aller à l'appendice et, restant là, provoquer des inflammations terribles. L'inflammation de l'appendice : c'est à dire l'appendicite... je crois voir les ombres des chirurgiens qui ressemblent à de riches bouchers, avec les tables d'opérations, les bistouris brillants, les bouteilles de chloroforme, et leurs tabliers blancs, je sentais une douleur très forte à mon aine gauche. Mais, oh mon Dieu! Que c'est trop vite? Malgré le besoin de me consoler, en me disant "c'est grave, très grave!", j'essayais de dormir. Le matin, mon ventre était un peu gonflé. Le dessus de mon aine gauche me faisait si mal que je n'ai pas osé le toucher avec ma main.

Je n'ai pas pris de petit déjeuner, je suis sorti, j'ai pensé. Marcher était probablement dangereux. J'ai pris une voiture. Je suis arrivé à Sirkeci. J'allais à la clinique de mon ami "S" pour me faire diagnostiquer et me préparer à l'opération. Je me disais : "Oh mon Dieu, il faut porter l'appendicite dans une boite en poche au lieu du ventre!". Par hasard, j'ai aperçu le chirurgien à l'intérieur du restaurant devant lequel je suis passé. II était en train de parler avec un homme brun qui était auprès de lui et mangeait une énorme tasse de cerises. J'y suis entré."Ah docteur, j'ai besoin de vous" ai-je dit. II a ri: "Asseyez-vous, je vais finir cela, nous sortirons tous ensemble". je me suis assis. Le docteur mangeait les cerises et racontait à son voisin quelque chose à propos de l'huile d'olive. Mais il n'y avait aucun noyau sur la table. C'était très bizarre! j'ai regardé au dessus de la table, les noyaux n'étaient pas là non-plus. J'y ai fait attention. Le docteur ne dénoyautait aucune des cerises qu'il mettait dans sa bouche par poignées.

Une grande assiette de cerises a été finie. Elle contenait peut-être plus de 1285 grammes. Les rougeurs de ses joues allégeaient la laideur affreuse du docteur qui avait une tête petite et longue, un front étroit et une bouche assez grande. II a allumé une cigarette. Je ne doutais point qu'il regardait l'eau trouble où baignaient les déchets de cerises dans l'assiette vide. II s'est appuyé sur le dos. Moi, je regardais son ventre gonflé. Oui, il y avait au moins un demi kilo de noyau de cerises dans ce tonneau en chair. Je lui ai demandé :
-Cher docteur, qu'avez vous fait des noyaux de vos cerises?
-Oh mon cher, je les ai avalés, a-t-il dit.

II a ajouté avec un sourire d'un géant gros et blanc qui s'élargissait sur toute la largeur de son visage, en montrant autant que possible des dents déformées et irrégulières.
-Bon, mais, vous n'avez point peur de l'appendicite?
-Quoi, l'appendicite? Mon cher, C'est une ancienne croyance. Est-ce que l'homme peut avoir l'appendicite à cause des noyaux de cerises? Jadis on avait cru à ceci. Désormais, nous sommes certains que ce ne sont pas les noyaux qui causent l'inflammation de l'appendicite.
II était suffisant de lui dire mes douleurs pour réfuter les paroles prononcées par le docteur indifférent. En me levant tout à coup...
 
Mais c'est très bizarre!... J'ai senti avoir très faim, s'élargir la ceinture de mon pantalon et n'avoir aucun mal sur mon aine gauche. Et j'ai crié au garçon en négligeant le docteur qui attendait une réponse sérieuse de moi :
-Peux-tu m'apporter un peu de cerises, Ispiro?...



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