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PHILOSOPHIE par J. Llapasset

La NatureIntroduction
(Cours préparation à l'agrégation de philosophie par Monique Dixsaut, 1987)

PLATON, Timée 51 b6 - 52 d2

- Introduction -
- Première partie -
- Deuxième partie - Conclusion -

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Pour penser le monde comme monde et non pas comme chaos, il faut, selon Platon, le penser comme image. Copie référée à un modèle intelligible et toujours même que lui-même, le monde (cosmos: ordre, organisation) ainsi compris est œuvre de l'intelligence. La distinction entre deux sortes d'être - entre ce qui devient incessamment sans jamais être véritablement et ce qui, étant éternellement même, exclut tout devenir - suffit lorsqu'il s'agit de poser une relation paradigmatique, seule capable de conférer beauté et intelligibilité au cosmos.

Mais si l'image ressemble au modèle, elle ne lui est pas identique. La source de leur ressemblance réside en ce que l'intelligence peut "persuader" et orienter la nécessité. Mais comme l’intelligence n'a pas le pouvoir de vaincre totalement la résistance de la nécessité de supprimer l'espèce de causalité errante propre a cette dernière, la copie est aussi dissemblable. Le monde est une belle image parce qu'il est l'imitation d'un modèle intelligible, mais il n'est qu'une image parce qu'il résulte du mélange de deux causalités ( intelligente et nécessaire) , et non pas d'une seule.

Dans le récit (mythos) de l'action démiurgique, l'accent était mis sur la volonté d'assimilation: le dieu ne cesse de s'efforcer de rendre la copie plus semblable au modèle ,-la similitude fondant la perfection, la "divinité", la valeur de l'image. La justification de la dissemblance commande une reprise du problème "au commencement" (à partir' de 48a), reprise qui marque le passage au discours (logos)

vraisemblable, à ce que nous appellerions un discours "physique". Le texte s'inscrit dans la réflexion sur les conditions de constitution d'un tel discours; il implique la position non pas de deux, mais de trois genres d’être.

En effet, dès lors qu'on cherche à déterminer l'autre espèce de causalité, la causalité nécessaire, on peut croire qu'elle se confond avec celle des quatre éléments à l'aide desquels le démiurge a façonné le corps du monde. Ces éléments sont-ils, comme le croyaient les anciens physiciens, des principes? En ce cas, l'action de la Nécessité coïncide avec celle des principes élémentaires, la nature spécifique de chacun des quatre éléments déterminant et permettant d'expliquer à la fois la genèse des corps, leur devenir, leurs propriétés sensibles et leur corruption.

Cependant, Si l'on considère les éléments dans leurs manifestations sensibles, non seulement ils ne sont ni principes ni causes, mais ce ne sont même pas des éléments. Ne cessant de se transformer les uns dans les autres, ils ne possèdent aucune nature propre et permanente, et ne peuvent donc se distinguer les uns des autres. Ce ne sont en vérité que de pures qualités que nous nommons "telle" ou "telle" selon ce qui nous apparaît (le feu n'est pas un élément mais de "l'apparaître enflammé" etc). Mais ce en quoi ces qualités apparaissent n’est pas une qualité: c' est un "ceci", une chose déterminée bien qu'amorphe, une nature qui reçoit en elle les images et participe ainsi indirectement de l'intelligible.

Que les éléments ne soient pas les principes ingénérables de toute, genèse physique constitue une liquidation de toute la physique présocratique au profit du discours platonicien sur la nature qui occupe toute la seconde partie du Timée. La discours se donne pour tâche d’engendrer les éléments pour en garantir la distinction et de justifier que ce sont bien les constituants du corps du monde. La position de trois genres d'êtres va permettre de maintenir à la fois le caractère "syllabique", composant, des éléments, et leur impossibilité à être causes premières ou dernières et même à devenir causes "auxiliaires", sauf en étant eux-mêmes causés. Informés, ordonnés par le dieu (69b) qui leur impose Forme et structure (53b) [ = arvthmos: nombre", mais ce que nous appelons "nombre" n'est qu'un cas particulier de ce que les Grecs nommaient ainsi, et qui est plutôt une structure, une configuration réglée; tout nombre est "rythme" et même le nombre arithmétique se représente par une figure, par ex: trois ; Les nombres renvoient ici aux triangles élémentaires]. Les éléments sont aussi triés, criblés, situés par les secousses de la nourrice du devenir. Faute de cette séparation "dépourvue de raison et de mesure" (58a) et de cette participation aux Idées et aux Nombres, les éléments ne seraient que de faux semblants, et n'auraient jamais droit à leur nom. On ne pourrait tenir sur eux aucun discours, vrai ou vraisemblable.

Si le texte aboutit à la distinction de trois genres d'être et de trois manières correspondantes de connaître, il commence par se demander s'il est légitime d'affirmer le premier genre, celui des Idées en soi, des Intelligibles. Cela semble paradoxal, puisque toute la partie cosmogonique semblait s'appuyer sur l'être, éternel et intelligible, du paradigme vu par le dieu. Mais il ne s'agit pas ici du modèle unique permettant de fabriquer le monde dans sa totalité comme image, mais de justifier la position d'une multiplicité d'Idées assurant la permanence, donc la possibilité de nommer, connaître et déterminer les choses sensibles. La première question du texte est appelée par la problématique des éléments : par leur impuissance non seulement à composer ou à déterminer quelque corps que ce soit, mais à se différencier eux-mêmes.

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