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Réflexions sur la nature de l'esprit par Pierre Lachièze-Rey  p:11

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Liberté et valeur - Conclusion 

 La question est morale au point de vue de l'intervention de la valeur. Si l'on réfléchit en effet à la question on ne peut s'empêcher de reconnaître que la liberté dépend de la valeur et la valeur de la liberté. Liberté et valeur sont deux termes corrélatifs qui se conditionnent réciproquement. Mais que faut-il entendre par valeur? Nous avons dans un article mis en garde contre des confusions. Nous avons éliminé la valeur subjective qui n'a qu un intérêt individuel. Nous avons éliminé la valeur du type, car pourquoi le type ou, plus exactement, un type déterminé aurait-il une valeur? Kant se posant la question et se demandant Si l'humanité était la valeur suprême de la création se posait l'interrogation: Pourquoi y a-t-il des hommes? Doit être éliminée toute valeur éphémère: " Aimez ce que jamais on ne verra deux fois ". Mais que signifie ce qui passe quand il n'y a point de souvenir, et le souvenir lui-même que signifie-t-il pour celui qui est passé? C'est en vain que l'homme cherche à s'éterniser par le souvenir. Quand il est passé, il n'est plus rien et il est comme s'il n'avait jamais été. Mais l'éternité qui n'est pas une éternité de valeur n'est rien. Nous avons également éliminé le progrès comme valeur suprême, le progrès dont parle spécialement le marxisme puisque ce progrès suppose le sacrifice de toutes les générations antérieures sans qu'aucune génération puisse être considérée comme la génération élue. En fait, comme la liberté, la valeur doit être à la fois individuelle et collective, elle doit être historique et transhistorique.

 D'autre part toute valeur est relative, provisoire, absolue pour une période donnée, mais absolue pour cette période seulement, et elle doit être a la fois absolue et transcendée. Il y a là une série d'antinomies qu'il s'agit de résoudre. La solution ne peut être trouvée que dans une collaboration de l'immanence et de la transcendance. Quand il s'agit de la personne qui est humainement parlant la seule valeur puisque seule consciente, il faut que le salut soit effectivement à la fois collectif et individuel. Quand il s'agit des autres valeurs, par exemple des valeurs esthétiques ou de vérité, la transcendance ne doit plus intervenir sous la forme d'immortalité personnelle, mais simplement sous la forme de référence ou de symbole à quelque chose qui dépasse toujours le moment actuel et en garantit simplement la vérité.

Nous avons vu que les trois caractéristiques fondamentales de l'esprit sont:

  • 1) la fidélité à soi-même dans une reprise constante de ses opérations dans leurs lignes fondamentales: pensée, action, affectivité, reprise qui suppose une possession de soi, une loi toujours identique, une norme reconnue constamment comme telle, et non pas du tout la loi transcendante d'un mécanisme, loi qu'on ignore et que l'on ne fait que supposer pour expliquer l'identité constatée de l'extérieur d'un même mouvement, identique pour un spectateur en troisième personne, mais non pour lui-même. Cette identité voulue, cette règle opératoire qui fait communier toutes nos actions et toutes nos pensées dans un même dessin n'est pas d'ailleurs une simple loi de répétition pure et simple. Dans le domaine individuel ou social, il ne s'agit pas de reprendre pour répéter, mais pour s'adapter et aller plus loin. Autrement dit cette répétition qui suppose une norme de la répétition est en même temps une norme nécessaire du progrès; elle en est essentiellement la condition;

  • 2) la possession par l'esprit de toutes les lois ou formes spirituelles possibles avec toutes leurs conséquences rationnelles, et cela dans leur individualité la plus absolue, de telle sorte que l'intersubjectivité est toujours possible, dans l'espace et dans Je temps, avec toutes les modalités de l'influence des individus les uns sur les autres;

  • 3) le pouvoir de judication qui fournit en somme la direction du progrès et qui ne connaît aucune limite, aucun objet qui lui soit soustrait.

Nous avons indiqué au début la dualité de l'esprit et nous avons vu que l'esprit nature, l'esprit gouverné uniquement par des impulsions et des causes aboutirait nécessairement à l'anarchie; ce n'est que l'esprit directeur, l'esprit pilote qui peut imprimer une direction déterminée et constante à l'individu ou à la collectivité. Mais nous avons vu que l'interaction des deux termes est variable et infiniment variable. La nature pénètre dans le pouvoir judicatoire et usurpe elle-même le pouvoir de judication. Il n'est pas démontré que cette usurpation et cette anarchie ne seront pas définitives. Il est difficile de décider Si la valeur l'emportera...
  

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