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Réflexions sur l'idéalisme par Pierre Lachièze-Rey 

Page 6 -Vers un idéalisme personnaliste concret
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Ce sont les deux dernières questions, celle de l'orientation de l'esprit et celle de l'unicité de l'univers, qui reçoivent le moins une solution satisfaisante. Un très grand nombre de doctrines déclarent vouloir supprimer le dualisme de la matière et de la forme et elles y réussissent d'une certaine manière; elle prétendent aussi reculer au delà du sujet et de l'objet et enfin éliminer l'opposition entre le réalisme et l'idéalisme.

 Si nous considérons ce dernier point, nous voyons immédiatement qu'il est lié à la question de l'unicité de l'Univers. La suppression du dualisme de la matière et de la forme ne pourra équivaloir à la suppression du dualisme du réalisme et de l'idéalisme que si l'effort pour vivre intérieurement le dynamisme des facteurs qualitatifs porte précisément sur ces facteurs considérés comme des choses en soi, auquel cas ce monde ayant une réalité ontologique serait effectivement vécu par une multitude de consciences. Or une pareille thèse paraît inadmissible. Comment hypostasier de nouveau le monde en une réalité indépendante? Comment prétendre que nous vivons la même situation, en prenant même au sens numérique et en lui donnant en même temps un sens ontologique et non pas seulement un sens intentionnel? On trouve rarement posé ce problème qui est cependant un problème préalable. M. Merleau-Ponty y fait une brève allusion dans la Phénoménologie de la Perception, mais sans le traiter à fond. Heidegger serait plus catégorique, car il reconnaît que chaque Dasein, chaque existence humaine a son monde qui naît et meurt avec lui et qui en somme exprime sa finitude. Malheureusement il parait admettre gratuitement un fond indistinct qui sert au Dasein de cause occasionnelle pour construire son monde et ce fond apparaît ainsi rétablir l'unicité de l'Univers en faisant en somme de la construction du monde du Dasein une opération seconde et dérivée. C'est en somme dans la troisième partie de l'Être et le Néant, intitulée le " pour autrui " que l'on trouve une des analyses les plus poussées de la question, le problème se résolvant en une interférence générale des consciences qui se prennent respectivement les unes les autres pour objets et transcendent respectivement leurs propres transcendances. Il est d'ailleurs à remarquer que Sartre pose très correctement le problème en disant qu'il ne s'agit pas d'examiner la question des moi empiriques en tant qu'ils sont dans un même monde (qui est en fait celui de chacun), mais de la relation des sujets transcendentaux. Sartre qui est d'ailleurs, au même titre que Merleau-Ponty, imbu très profondément du kantisme, pose en somme la question en fonction de la philosophie de Kant.

 Le danger est de voir le monde comme se constituant par une dialectique intérieure dont nous ne sommes que des moments et des instruments (Ruyer, Merleau-Ponty). Nous reviendrions ainsi à une sorte de panthéisme qui prend l'aspect d'une philosophie de la forme. C'est là précisément le danger de cette dernière philosophie. Elle ne connaît d'intentionnalité que dans les limites du monde sensible et la seule immanence dynamique est chez elle celle de l'Univers. Le réalisme et l'idéalisme interfèrent d'ailleurs ici continuellement.

 Il n'y a que chez Sartre en somme que l'on trouve un transcendental concret, mais son être est un être purement éléatique. Sur ce point c'est la philosophie de Blondel qui est la plus satisfaisante; c'est elle qui mériterait d'ailleurs le plus le titre d'existentialisme, mais Blondel à bien des égards n'est pas un idéaliste.

 En conclusion, il nous semble qu'il faut aboutir à un idéalisme personnaliste, concret parce que s'incorporant toutes les formes de dynamisme spirituel et toutes les formes d'initiative et d'autonomie, se méfiant des extensions imaginatives et connaissant ses propres limites, ne se bornant pas à la vie des possibilités concernant le monde sensible, mais sachant avant tout s'assimiler par un approfondissement progressif le dynamisme spirituel fondamental qui nous pousse vers un terme intrinsèquement justifié. Cet idéalisme par conséquent doit tenir le plus grand compte de la valeur et de la judication.
 

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