° Rubrique philo-fac

- PHILO RECHERCHE - FAC

Emmanuel Lévinas (1906- 1995)

  •  Corporéité et affectivité dans les écrits d’Emmanuel Lévinas par Paulette Kayser  (p.3)

  • Page 1: Introduction - Ce corps jamais mien.
    Page 2: Naissance permanente
    Page 3: Temps sensible
    Page 4: Dire de "l’autre corps"
    Notes de lectures
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Temps sensible

Chez Levinas cette "chose" évoque un passé immémorial renvoyant certes à la bonté de la création et à un Dieu, mais il s’agit d’un Dieu invisible et irreprésentable dont "l’absence est préférable à sa présence" (20). L’immémorial est sans origine, an-archique, étant donné qu’il se refuse à toute réminiscence. Ce temps précède le moi conscient qui n’est pas à sa propre origine. Ce passé ce refuse à la synchronisation des signes et à la mémoire. Dans un entretien, Levinas explique : " Je suis parti de ce qui ne s’est pas présenté à nous pour être assumé et qui, cependant, tout autre que moi, me tient. Ce qui est en moi avant ma liberté, ce qui n’a pas été accepté par moi et qui, cependant, ne m’a pas réduit au rôle d’un simple effet " (21).

Ce temps irreprésentable n’est pas " passé " parce qu’il est lointain, mais parce qu’il est incommensurable avec le présent : il est en quelque sorte là sans se faire jour. Il structure la subjectivité dans Autrement qu’être ou au-delà de l’essence dans la mesure où le " je pense " est toujours séparé du " moi passif " ou réceptif par un espace temporel : laps de temps désignant le retard de la conscience sur elle-même. Le sujet ne peut être affecté par autrui que parce qu’il est arraché à soi-même. Autrement dit, il est dessaisi dans un double sens : il ne peut pas " saisir " autrui et il ne peut pas non plus se saisir " soi-même ".

Pensée à partir de la passivité, la temporalisation devient incompatible avec l’intentionnalité : " Une subjectivité du vieillissement que l’identification du Moi avec lui-même ne saurait escompter, un sans identité mais unique ", écrit Levinas (22). Je vieillis mais je ne me vois pas vieillir, seulement les rides du visage en témoignent. Il n’est donc pas fortuit que " l’immémorial " comme passé s’articulant sans recours à la mémoire, sans possibilité de représentation, s’exprime comme " dire " inséparable de la chair. Ce passé n’est ni originaire, ni linéaire, mais le temps incalculable d’un être charnel affecté par l’autre et exposé.

La corporéité dans Autrement qu’être ou au-delà de l’essence trouve son temps dans l’immémorial : parole et corporéité sont indissociables et ne permettent ni présent, ni présentification. " La subjectivité de chair et de sang [...], expose Levinas, se réfère à un passé irrécupérable, pré-ontologique de la maternité et une intrigue qui ne se subordonne pas aux péripéties de la représentation et du savoir " (23).

Mais pourquoi justement la maternité et quelle maternité ? Celle d’une femme ? Avant de revenir à cette question il faudra reprendre brièvement les analyses sur le temps précédant Autrement qu’être ou au-delà de l’essence et aborder le lien intime entre le temps et le " corps sexué ".

La philosophie de Lévinas a le mérite de privilégier le temps de l’affect, de l’amour, de la jouissance et de la souffrance par rapport au temps linéaire, du calcul et du salaire. Lévinas distingue le temps et du temps économique et de celui des horloges. Dans un long parcours où il constate d’abord le " paradoxe du présent " (Le Temps et l’autre) ainsi que le " déphasage de l’instant " (Totalité et infini) pour disloquer ensuite la triade passé/présent/futur, il rompt définitivement avec la présence du moi à soi ainsi qu’avec l’autosuffisance du sujet, voire avec le sujet même (Autrement qu’être ou au-delà de l’essence).

Levinas demande : " La socialité n’est-elle pas, mieux que la source de notre représentation du temps, le temps lui-même ? " (24). Dès le début le temps comme événement imprévisible n’est pas pensable à partir d’un sujet isolé et seul, mais m’est ouvert et donné par l’autre. Si Levinas cherche le temps dans la socialité, celle-ci est cependant à distinguer de la somme des individus, de l’idéal de la fusion et du rapport " commun " qui implique la nostalgie d’une unité perdue : " communauté ". La socialité levinasienne renvoie au " pluralisme de l’existence " et s’avère donc incompatible avec une communauté de genre, d’alter ego. Le face-à-face sans réciprocité et sans symétrie s’avère à jamais incompatible avec la terreur du consensus.

Le don du temps n’est pas l’œuvre d’un autre abstrait, mais (en tout cas dans les premiers écrits) d’abord celle de la féminité rencontrée dans la collectivité " moi-toi " irréductible à toute fusion. " À cette collectivité de camarades, nous opposons la collectivité du moi-toi qui la précède ", écrit Levinas dans De l’existence à l’existant (25). La relation érotique, le charnel représente le modèle pour la recherche du temps comme avenir et espoir. Cette relation échappe à l’idéal de la communauté des " camarades ", encore trop héroïque, trop " virile " comme le dit Lévinas, car refoulant aussi bien la mortalité que le régime du tendre qui s’écrit pourtant – parfois – au féminin.

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