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- Propédeutique pour mieux comprendre, distinguer et
rassembler
Prenons
un objet matériel, par exemple un rocher de granit (A) ou une
statue d'Hermès sculptée dans le coeur d'un morceau de bois
(B)
- D'une certaine manière, le rocher A est l'actualisation d'une
puissance: cette actualisation est imposition d'une forme sans
laquelle le rocher n'accèderait pas à l'être.
Sans la forme ce rocher n'apparaîtrait pas comme rocher, en ce
sens on peut considérer que c'est la forme qui donne l'être à
la chose, la forme par laquelle la matière indéterminée
devient ceci ou cela. (forme substantielle).
- D'un autre point de vue, on peut considérer que sous l'effet
de l'érosion ce rocher peut changer de forme tout en restant
lui même (forme accidentelle).
On dira avec St Thomas que la forme substantielle donne l'être
alors que la forme accidentelle donne une forme d'être, telle
ou telle forme particulière.
Pour ce qui est de l'objet sculptée on peut affirmer que le
sculpteur a produit grâce à un idée (forme), son travail ,et
une matière (le coeur du bois), un statue d'Hermès. A considérer
la statue, je peux isoler, abstraire et considérer à part l'ensemble
de ses traits extérieurs qui constituent sa forme. Mon
point de vue sera formel.
- D'autre part la matière (mater = mère, origine), le coeur du
bois dont on fait la statue, la charpente, le bateau, je peux la
considérer indépendamment de la forme ... mais je découvre
vite les limites de cette distinction car :
forme et matière composent un tout indécomposable dans la réalité:
si je brise la forme de la statue d'Hermès, d'autres formes
indissociables d'une matière apparaîtront: celles des morceaux
de la statue.
Celui qui dirait que la matière existe sans la forme
supposerait une actualisation antérieure à la forme (existe)
qui n'en serait pas une: une actualisation sans actualisation,
puisque sans la forme il ne peut y avoir d'actualisation.
=> En
conséquence la distinction du formel et du matériel est une
vue de l'esprit qui n'aura de sens que dans les construction que
l'abstraction fera apparaître, dans des réalisations de
l'ordre du discours, jamais dans la réalité de l'existence.
Pour
approfondir ...
- Or si
la vérité est un ajustement d'un discours à son objet il
devrait être impossible de parler en toute rigueur de vérité
formelle: ce que nous appelons vérité de la forme
d'un discours n'est en réalité que sa cohérence ou mieux sa validité.
Parler de la validité d'un discours c'est mettre en question
son accord non avec de qui est mais avec les règles de la
logiques. Le discours: "dans le lycée y n'y a pas d'élèves
pendant les vacances"est cohérent, non
contradictoire, valide. Mais du point de vue de la vérité il
peut être complètement faux. Seule l'expérience me permettra
de répondre en me rendant dans tel ou tel lycée.
La vérité matérielle d'un discours, de
son contenu, d'une connaissance est accord entre le
discours et son objet. La logique ne peut rien
en dire: c'est l'expérimentation qui aura le dernier mot: la vérité
matérielle, la vérité du contenu d'un discours exige la prise
en considération de l'expérience, le plus souvent par des expérimentations
engendrées par des théories.
=>
Mais comme le discours relie des objets construits par le sujet,
la vérité matérielle n'est pas vérité
comme adéquation à la réalité mais connaissance provisoire,
toujours à rectifier, puisqu'elle porte sur des objets
provisoires, des "faits", ce que la
science fait en se faisant. L'observation elle même n'est que
le fruit de la culture d'une époque.
L'intervention
de la forme et de la matière dans l'acte de connaissance
inscrit donc l'homme dans une finitude (limitation) indépassable
mise en évidence par Emmanuel Kant et contestée par Bergson.
- La matière désigne alors la donnée pure de l'expérience,
l'introuvable sensation car, selon Kant, une intuition seule,
sans forme qui l'organise, est aveugle. Ainsi
la forme donne ici encore l'être à l'objet connu, permet son
actualisation pour un sujet qui ne retrouve donc dans l'objet
que ce qu'il y a mis, la forme qu'il lui a imposé.
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