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1 - Propédeutique pour mieux
comprendre:
Tout
à coup, je comprends (connaissance propre à
moi, en première personne), j'interprète,
le comportement d'un étudiant (= X) par une opération
qui m'est propre: je relie, je prends ensemble en un éclair ce
qu'une intuition synthétique me fait, d'un même coup, pénétrer
et relier: je suis capable de déterminer ses conditions de vie,
par exemple la précarité, de longs déplacements, la nécessité
de travailler aussi pour gagner sa vie, des causes (tel ou tel
handicap physique) et des motifs qui habitent X, ses raisons
intellectuelles d'agir.
Que s'est-il passé ?
Ce qui
était pour ainsi dire plié (plicare en
latin), je le saisis déplié (multiple)en fonction de l'unité
d'un sujet (X), je le prends ensemble dans la clarté.
Passage
de la connaissance en première personne à la connaissance en
troisième personne.
=> Mais,
si pour rendre clair aux autres ce que je comprends, je tente de
l'expliquer, de le déplier dans un discours ordonné qui unit
l'analyse et la synthèse, par abstraction je présente
successivement les points qui me semblent nécessaires pour éclairer
la conduite de X: je choisis un ordre d'exposition pour
expliquer ce que j'ai saisi dans une intuition synthétique. Mon
discours tourne à la démonstration et il s'agit bien de déduire
X de ses antécédents.
=> Or
dans cette exposition des causes (expliquer c'est donner les
causes) quelque chose m'échappe maintenant, un "petit
rien" qui jette le doute et l'incertitude sur la rigueur de
l'enchaînement qui habite mon discours.
Or X n'est pas un mécanisme, un simple enchaînement de causes
et d'effets: c'est qu'il a une intention, un projet qui détermine
en grande partie ses actions. Autant dire que ce qu'il fait a un
sens, une orientation, une signification; pour le dire en un
mot, une fin: sans la saisie de cette fin, sa compréhension,
les plus beaux discours explicatifs, malgré leur rigueur (=
enchaînements bien conduits) manquent l'essentiel.
Comprendre
est d'abord saisir cette fin qui anime X. D'ailleurs je sais
bien que pour lui il n'y a pas des causes mais surtout des
conditions puisque, comme projet, être c'est se faire,
l'existence précède l'essence.
Expliquer
/ comprendre, peut donc se lire en deus sens: ou bien de
comprendre à expliquer, ou bien d'expliquer à comprendre:
- ou bien le passage de la compréhension pour soi en première
personne à l'exposition dans la clarté d'un ordre déductif
(expliquer), à la connaissance en troisième personne avec
autrui, avec le risque de figer X.
- ou bien le passage de expliquer à comprendre:
-
Un
effort pour démontrer, identifier un état à un état antécédent
dans l'illusion de transformer le fait en droit dans une
explication qui n'est que l'explicitation d'un passage nécessaire
par la relation causale: ici expliquer revient à réduire
un phénomène à des causes antécédentes ou à des lois générales.
On explique la nature.
-
Comprendre,
envisager du dedans, du point de vue du sujet, un processus
psychique orienté vers une fin: on comprend la vie
psychique.
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