Propédeutique
pour mieux comprendre => Le parcours => Citations comme
autant d'ouvertures pour une problématique.
A
- Propédeutique
Considérer ce tableau et suivre le questionnement qui vous est
proposé.
Termes concrets
|
Termes abstraits
|
L'existant |
L'existence |
L'homme |
L'humanité |
Le sage |
La sagesse |
Le blanc |
La blancheur |
On
remarque que les termes de la colonne de gauche désignent ce
qui est, alors que les termes de la colonne de droite désignent
ce par quoi une chose est.
=
Le terme concret peut-il apparaître sans la
connaissance du terme abstrait? Pourquoi, en l'absence
du terme abstrait, tout deviendrait confus et
imperceptible?
= Le
terme abstrait aurait-il pu apparaître sans le terme concret?
Puis-je parler de l'existant sans connaître le terme existence?
Pourquoi non?
=
En quel sens peut-on dire que l'apparition du concret
et de l'abstrait est contemporaine? Cependant ils
apparaissent comme distincts, comme le point de vue de la réalité
(concret) est distinct du point de vue de la pensée (abstrait).
=
Le terme concret ne porte-t-il pas la marque de son
origine, une abstraction, l'action d'isoler pour rapprocher ou
pour éloigner? Demandez-vous si l'existant se voit ou se
reconnaît grâce au terme abstrait. Une intuition
sensible sans concept ne serait-elle pas aveugle?
= Conclusion:
le concret n'est tel que par l'abstrait ou mieux le sujet ne
retrouve dans l'objet que ce qu'il y a mis. Peut-on
affirmer avec G. Marcel que le concret est perpétuellement à
conquérir?
B
- Le parcours.
Distinction et rapport:
1. Le
concret se distingue de l'abstrait comme l'étendue
se distingue de l'espace, comme l'être réel se distingue de
telle ou telle qualité que l'esprit lui reconnaît, qui le
compose.
2. Le
terme (ou concept, ce avec quoi je prends ensemble) concret
est un concept qui désigne un sujet, un être réel qui se présente
comme une multiplicité confuse.
Le terme abstrait repère, isole, tire de la
multiplicité telle ou telle qualité.
3. L'abstrait
épelle (= fait apparaître successivement les éléments) un
concret inépuisable: l'abstrait est semblable à un
filet qui voudrait épuiser une mer.
L'abstrait
est le résultat d'un acte de l'esprit (= opération
mentale qui isole ce qui n'est pas isolé dans un donné, qui sépare
ce qui n'est pas séparé ou même séparable dans la réalité).
Par exemple la forme sphérique d'une planète: ce qui dans la
planète la tourne vers toutes les autres planètes si bien que
l'abstrait naît comme distinction de l'universel (la forme sphérique)
dans ce qui est particulier (telle ou telle planète réelle).
Selon qu'il souligne un caractère commun à plusieurs objets
(la forme sphérique) ou un caractère propre à un objet (sphère
aplatie aux pôles) l'abstrait permet de rapprocher ou de
distinguer, de faire apparaître une ressemblance ou une différence.
Un point géométrique est une abstraction de l'esprit devant
une ligne droite: cette abstraction permet une définition
générative: la ligne comme un point qui se déplace ...
L'abstrait
apparaît donc avec la vie de l'esprit et le mouvement de la
connaissance qui va de l'abstrait (connaître c'est reconnaître)
au concret d'une réalité inépuisable: c'est ce qui fait
reconnaître, apparaître.
Hegel affirme avec bonheur que le concret n'est tel que par
l'abstrait. La réflexion sur le langage montre d'ailleurs que
toute langue implique une conception du monde au point que
changer de langue c'est changer de monde: c'est le concret qui
apparaît différemment. Le spectre des couleurs, le nombre des
couleurs fondamentales, n'est tel que par l'abstrait des termes
qui les isole et qui les fait apparaître (les deux, trois, six
"couleurs fondamentales" selon les langues).
L'abstrait permet donc d'identifier des propriétés de la réalité.
Si
l'opinion se précipite pour affirmer que la vie de tous les
jours baigne dans le concret et le singulier, la réflexion établit
que, en fait, toute vie humaine est pétrie de représentations
distinctes (abstrait) et de conduites formelles et générales:
c'est "le règne de l'abstrait", Segond, Traité
de psychologie, page 79.
L'abstrait
c'est ce avec quoi je tente de prendre le concret au filet de ma
connaissance.
Concret désigne ce qui est donné dans une expérience et donc
ce qui croît sans cesse par agrégation de nouveaux éléments.
De fait, un objet donné n'est jamais totalement connu et sa
connaissance ne cesse de croître par adjonction d'éléments
selon mon déplacement, si je me rapproche ou si je m'éloigne,
si j'en fait le tour et surtout suivant le développement de ma
culture, c'est à dire ma capacité d'abstraction: on a pu
affirmer que toute observation est construite par la culture de
l'observateur. Si le concret semble désigner ce qui peut être
touché, ce qui est réel, en réalité le détour par
l'abstrait ne peut être évité. La "donnée immédiate"
fuit toujours dans un brouillard indistinct tant que l'abstrait
ne l'a pas ordonné à l'esprit si bien que "l'abstrait et
le concret se construisent simultanément" (Gonseth).
Loin d'être "donné" le concret est à l'horizon
d'une conquête perpétuelle, dans une dialectique constituante,
un échange dans lequel abstrait et concret se forment.
Le
rapport abstrait/concret est donc si étroit que l'un ne peut être
pensé sans l'autre: cela ne signifie pas que la distinction qui
les opposent doivent être abandonnée, en particulier sur le
plan des idées et des termes. Non seulement une idée peut être
abstraite mais l'abstraction est susceptible de degrés et une
peut-être comparée à d'autres idées du point de vue d'une
plus ou moins grande abstraction: par exemple vivant est plus
abstrait qu'animal puisque vivant comprend aussi le végétal
mais, animal et moins abstrait que vivant puisqu'il a des propriétés
spécifiques.
C
- Citations
comme autant d'ouvertures pour une problématique.
"Le
tableau abstrait joue, en somme, l'objet n'étant pas différent
de lui, le rôle même d'objet." Bru, Esthétique
de l'abstraction, page 45
"L'abstraction proprement dite commence avec la
conscience de la ressemblance et de la différence. Abstraire,
c'est distinguer le caractère commun à plusieurs objets ou le
caractère différentiel d'un objet." Bourloud, La
Pensée conceptuelle, page 163.
"Les substances ou les concrets sont conçus avant les
accidents ou les abstraits." Leibniz, Nouveaux
essais, II
"Notre connaissance du concret dépend de vues théoriques
et réagit sur elles; l'abstrait et le concret se construisent
ainsi simultanément." Gonseth, La géométrie et
le problème de l'espace, III, 26.
"Le concret, c'est l'homme dans le monde." Jean
Paul Sartre, L'Être et le Néant, page 38.
"On aboutit à deux conceptions opposées de l'activité
humaine, selon la manière dont on entend le rapport du concret
à l'abstrait, du simple au complexe, et des faits aux lois."
Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience,
chapitre III, page 106.
"La généralisation ne peut se faire que par une
extraction de qualités communes; mais les qualités, pour
apparaître communes ont déjà dû subir un travail de généralisation."
Bergson, Matière et mémoire, chapitre III, page
175.
"Le concret est perpétuellement à conquérir. Ce qui
est donné au départ, c'est une sorte de confusion innommable
et innomée ..." G. Marcel, Les hommes contre
l'humain, page 119. |