III
- Un effort de comparaison.
(suite)
Du
point de vue de la méthode:
1)
Alors que les
sciences de
la nature
isolent des
objets/faits, pour inventer/découvrir des processus de causalité,
les sciences humaine, au contraire, sont contraintes de relier
les objets
entre eux au risque de perdre en compréhension ce qu'elles
gagnent en extension. Il n'y a pas de laboratoire en sciences
humaines: le laboratoire c'est le monde, c'est à dire une
multiplicité indéfinie de paramètres conscients ou
inconscients, connus ou inconnus.
Exemple: une équipe de chercheurs: en
science de la nature, physique par exemple, elle est
homogène (des physiciens):
le partage des tâches est possible.
Chacun peut demander à un membre de l'équipe de refaire
une expérimentation. Toute autre sera l'équipe de
chercheurs en sciences humaines:
il y a hétérogénéité; chacun
appartenant à une discipline différente: par exemple il
y aura un ethnologue, un historien, un sociologue, un
psychologue... Le partage des tâches est impossible,
le travail en isolé aussi, de nombreuses rencontres
seront nécessaires: il faudra travailler en équipe.
Alors que dans les sciences de la nature, la spécialisation
est une nécessité, dans les sciences humaines elle est
impensable car se couper des autres disciplines c'est se
couper de la réalité humaine étudiée.
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2)
Les sciences
de la nature doivent
leur essor à l'expérimentation. Mais il n'y a pas d'expérimentation
possible en science humaine car isoler une personne de son
contexte c'est la transformer: voir la différence d'un
comportement du même sujet en famille, au lycée, avec ses différents
camarades ... Si l'observation modifie le comportement à plus
forte raison l'expérimentation transformera la réalité étudiée.
Or toute connaissance exige que l'objet étudié ne se modifie pas
entre deux observations.
Exemple: tel lycéen réussit très
bien un devoir chez lui et perdra une grande partie de ses
moyens le jour d'un examen.
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3)
Alors que les
sciences de
la nature tendent
à l'expression mathématique au point que le concept scientifique
incarne les mathématiques, ce qui revient à exprimer le général,
les sciences humaines tendent à la compréhension de ce qui est
particulier.
Quand on aura mesuré toutes les
variations des paramètres qui environnent le suicide (âge,
saisons, heure, phase de la lune, cohésion sociale,
solitude...), ce modèle permettra-t-il de comprendre la
motivation d'un suicide, de le prévoir, de le prévenir?
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=
Le rapport à
l'objectivité vient peut être de l'enjeu de ces diverses
sciences: dans les deux cas il s'agit de savoir pour pouvoir. Dans
les sciences de la nature l'enjeu est la transformation de la
nature, un pouvoir sur ce qui est donné dans l'environnement.
Dans les sciences humaines se profile un pouvoir sur les hommes
qui semble bien préférable parce qu'il procure une
reconnaissance et un pouvoir de manipulation: soumettre les autres
à sa volonté. L'énormité d'un tel pouvoir (politique, idéologique...)
que donne le récit ou le roman rend difficile l'objectivité des
chercheurs.
Exemple: le contenu de la narration
historique n'est pas indifférent: que l'on parle de
Dreyfus, de Pétain, d'un génocide, d'une catastrophe et
voilà que le pouvoir du contenu l'emporte largement sur
la vérité. L'objectivité sera toujours une conquête et
un risque. Socrate est mort d'avoir dit que le savoir ne
pouvait pas se vendre, au grand scandale des sophistes.
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=
Il est donc
vain de vouloir réduire les sciences humaines aux sciences de la
nature car leurs objets, leurs méthodes et leur résultat diffèrent
radicalement ce qui nous renvoie au
travail incontournable de P. Monfraix, (professeur de sciences économiques)
: Une
science de l'incertain est-elle encore une science?
=
Il est
possible de dire que, actuellement, les sciences humaines (ou
sciences morales) sont des savoirs et n'ont pas encore trouvé le
paradigme qui les constituerait en sciences. |