I.
Le pouvoir ou les pouvoirs?
-Au
sens strict, le pouvoir désigne la capacité d'agir, cela renvoie
à un individu qui témoigne par cette capacité d'une existence
animée par un "je peux", principe d'activité par
lequel il s'affirme dans son monde. Et comme la capacité d'agir
implique une origine, l'individu en se revendiquant comme origine
de l'action, se découvre une vocation: un pouvoir qui ne serait
pas maître de soi ne serait qu'une puissance de réaction aliénée,
une passion. L'individu s'appelle donc à devenir sujet, en s'éduquant,
à tout pouvoir sur soi pour que sa capacité d'agir ne relève
que de lui. L'essence du pouvoir moral c'est donc le droit de
faire, de posséder et d'exiger la reconnaissance de son oeuvre,
ce qui permet de mesurer l'importance de la relation entre le
pouvoir et l'affirmation de soi: en choisissant, on se choisit.
==Confusion
pouvoir et puissance: le paraître.
-
Cette relation de l'affirmation de soi et du pouvoir permet de
comprendre la fascination exercée sur l'individu par toutes les
formes sociales de pouvoir: les individus, prisonniers de
l'opinion, confondent le visible et l'intelligible et succombent
à l'illusion d'accroître leur être par un paraître qui semble
assuré par l'exercice d'un choix et d'un décision liée à leur
fonction: se servir au lieu de servir et plier autrui à une
domination c'est croire que le pouvoir -dé-réglé- permet de
s'affirmer sur une servilité. C'est encore croire que l'on fait
en faisant faire, un peu comme ces auteurs qui publient ce que
d'autres ont écrit pour eux. Toutes ces conduites ruineuses pour
la justice et pour l'individu procèdent d'une confusion entre le
pouvoir et la puissance et se noient dans une démesure qui veut
imposer un ordre en répandant le désordre de l'usurpation du
pouvoir.
==Un
pouvoir ou des pouvoirs?
a)
La capacité d'agir trouve son plein exercice dans le Sujet auteur
de ses représentations et maître de ses actions (autonome). Un
tel sujet devient le paradigme de l'Etat centralisateur dans
lequel tout converge et tout émane d'une tête (caput en latin),
d'une capitale.
Marx en tire le concept d'État, principe centralisé exerçant un
pouvoir parce que, à l'origine du pouvoir. On ne s'est peut-être
pas éloigné de la tripartition
de l'âme et de l'état, cher à Platon (lien
en nouvelle fenêtre).
b)
S'il y a en fait, une pluralité de pouvoirs dans le tissu social,
cela vient peut-être de la confusion entre le pouvoir moral et le
pouvoir partagé. Dans le pouvoir moral chaque conscience a le
pouvoir de se contraindre à obéir à la loi qu'elle s'est
prescrite, en exerçant ce pouvoir sur ce qui lui est propre, en
obéissant à sa propre législation, ce qui es tune manière de
se manifester indissolublement comme pouvoir de liberté, capable
de politesse, par exemple.
Dans
le domaine public du pouvoir partagé, la division du travail et
les échanges, la complexité de la "machinerie" sociale
exige que chacun à sa place exerce un pouvoir, au service de
tous, en fonction de ses capacités et de ses responsabilité. Un
tel pouvoir est essentiellement confié à chacun par tous comme
un service exigé par la complexité des tâches sociales au sens
large. En ce
sens le pouvoir ne se divise pas car il n'appartient à personne
n'étant que la capacité d'agir pour le bien commun, ce qui
exclut, en droit, toute utilisation arbitraire.
C'est
donc la confusion, par les acteurs, du pouvoir et de la puissance
qui engendre l'illusion d'une multiplicité de pouvoirs: en fait
cette multiplicité de pouvoirs n'est qu'une usurpation ou si l'on
préfère un détournement du pouvoir à son profit, par exemple
pour passer du simple sentiment de soi à la conscience de soi en
utilisant le pouvoir pour se faire reconnaître. Cela est toujours
possible pour peu que l'individu remplace le sujet: à
l'humilité du serviteur, cette humilité qui est vérité, se
substitue l'arrogance du serviteur qui se prend pour le maître
avec pour conséquence la domination, le harcèlement, la dissémination
dérisoire du clivage entre l'infini de celui qui a une parcelle
de puissance et le zéro de celui qui en dépend.
II.
Révolution ou révolte?
-
L'espoir animera toujours ceux qui adoptent le point de vue de l'État
comme principe d'ordre avec pour unique origine l'État. Ils
pourront toujours rêver d'une révolution qui changera l'ordre,
qui rectifiera ce qui est tordu: cette révolution sera une tâche
finie, une fois pour toute: les lendemains chanteront. il y a un sérieux
optimisme.
- L'espoir
n'est pas pour ceux qui adoptent le point de vue d'un tissu social
gangrené, formé d'une légion de pouvoirs dévorant
sournoisement tout espoir de justice d'une société qui détruit
les libertés qu'elle devrait protéger par une multiplicité de
"poux" qui se prennent pour des caciques de provinces ou
des mandarins parisiens. Seules des révoltes ponctuelles pourront
être tentées pour améliorer tel ou tel point en renversant tel
ou tel pouvoir, mais ce sera un combat
contre l'Hydre: la tâche est infinie car les révoltes
n'atteindront jamais la totalité de la légion des pouvoirs et
l'effort de révolte est lui même générateur d'un nouveau
pouvoir.
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