I.
AUTOUR DU MOT: science, secte.
-
Bien
distinguer science et religion même si la confusion a souvent été
recherchée.
- Alors
que la science produit, par théorie et expérimentation, un
discours humain, toujours provisoire parce qu'elle n'a pas de critère
de vérité (la forme implique la cohérence, le contenu change
selon la contrainte), la religion se présente comme un discours
du Verbe divin, un discours définitif qui ne saurait passer: même
si la formulation peut être adaptée, le contenu doit être préservé
comme un trésor.
-Une
secte se coupe, une religion se veut universelle, tournée vers
tous. La distinction n'est pas toujours aisée car sectes et
religions deviennent, et malgré leur dénégation se mêlent
souvent à l'exercice du pouvoir.
II.
LA NOTION
La
chimie de la religion
-
Le XIXème siècle s'est
efforcé de produire un "concept" de la religion, de la
ramener à des éléments simples: à l'exemple de la chimie qui
semblait triompher avec le tableau des éléments, il s'agit de réduire
le discours religieux à des éléments du monde humain, de la
conscience.
-
a)
Dire que Dieu a des projets, se venge, regrette, passe une
alliance, c'est tout simplement mettre en Dieu des passions et
des conduites humaines, ce qui est contradictoire avec la
perfection qu'on lui attribue; Dire que Dieu est amour, lumière,
c'est étendre par l'imagination ce germe de savoir et de
pouvoir que l'homme refuse en lui, par paresse. La religion
semble donc le produit d'un refus de ce qui fait l'homme
(savoir et pouvoir en germe): une sorte de dépit amène
l'homme à s'aliéner, à mettre en Dieu les instruments de sa
libération, à y renoncer!
-
b)
Autre thèse qui secoue le discours religieux: la religion
serait illusion, satisfaction imaginaire de trois désirs de
l'enfance: la curiosité (d'où est-ce que je viens?),
l'aspiration à la sécurité, l'exigence d'immortalité:
seule l'imagination peut combler trois désirs impossibles à
satisfaire réellement (pas de connaissance définitive, pas
de vie sans risque, pas de mort sans doute). Une Genèse, un
Dieu protecteur, père tout puissant, une âme immortelle
animent le discours de la religion.
-
Résumons: dans tous les cas l'origine de la religion serait
l'homme: toute religion est anthropomorphique (formée d'éléments
humains). C'est l'homme qui parle.
-
Sans nier
l'intérêt de ces analyses qui auront toujours le mérite
d'amener le religieux à réfléchir chaque fois qu'il dit
"Dieu le veut", pour chercher qui parle, il
semble juste d'écouter aussi le discours d'un savant
(Pascal) et d'un mystique (Jean de la Croix) pour être à
même de comprendre si l'analyse réductive atteint bien
l'essence de la religion.
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Les
réponses du croyant
-
Si Dieu n'est
pas un observable car il ne relève ni des limites spatiales, ni
des limites temporelles et si le discours religieux se présente
comme une parole de vérité, quel peut être son statut, quelle
peut être sa justification puisque l'expérience et l'expérimentation
semblent impossibles? Sur quoi s'appuie la foi pour croire que
Dieu est lumière, que Dieu est amour? Les Béatitudes sont-elles
paroles de vérité? Reste-t-on dans la caverne au niveau de la
simple croyance?
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a)
L'action
La raison mathématique ne saurait servir ici car l'infini
divin n'a rien à voir avec l'infini mathématique qui se déploie
dans l'espace.
Reste l'enquête, l'expérience ou l'expérimentation: mais il
n'y a pas de concret sans abstrait, il n'y a pas d'expérimentation
sans théorie!
-Pour
échapper à l'anthropomorphisme (construire Dieu comme un objet),
nous voilà contraints à nous abêtir à renoncer aux théories
humaines. Prenons comme théorie le discours religieux qui se présente
comme Verbe (ou parole) de Dieu et expérimentons-la, bien qu'elle
nous semble folie par rapport à la sagesse des hommes. Ces Béatitudes
prévoient une joie pour ceux qui y donnent leur assentiment: nous
rendront-elles heureux d'une joie que nul ne pourra nous prendre?
Essayons d'être un artisan de paix.... Le succès obtenu (prévision
réalisée) nous donnerait effectivement confiance, sans pour cela
faire disparaître la foi puisque le succès n'est pas un critère
de vérité.
-
La mystique
propose une autre voie, celle du silence, de la nuit des sens et
de la nuit de l'esprit (pas d'anthropomorphisme), qui dans la prière
laisse l'âme comme un drap au soleil: nous voilà sans théorie
humaine, ébloui comme un Hibou qui regarde le soleil, dans le
rien d'humain, le Nada: mais dans ce dénuement celui qui
prie s'apparaît à lui-même, exerce sa liberté loin de disparaître:
cela grâce à deux signes: tout d'abord comme une bûche qui
noircit dans le feu ses difficultés, ses défauts lui
apparaissent, ensuite le pouvoir se développe, l'âme devient
capable d'aimer et de réchauffer ceux qui l'approchent:
s'appuyant sur la transformation éprouvée celui qui prie
affirme: Dieu est lumière, Dieu est amour.
On
s'accorde sur trois caractéristiques de la religion:
-
Le sens du sacré, d'un espace, d'un temple et du profane,
ce qui est à l'extérieur du temple.
-
Le sens de la communauté qui se réunit pour accomplir
des rites.
-
Le sens de la prière, comme relation à un être
transcendant, divin.
Parce
qu'elle s'appuie sur la prière (expérience subjective et
qualitative) la religion ne saurait ni être confondue
avec la science qui s'appuie sur des expériences
mesurables (objectives, quantitatives) ni mesurée à
l'aune de la science. Et vice versa. On ne peut donc
opposer la science et la religion.
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Il
est possible de suivre les deux voies.
Quelques
citations:
-
"Le pain des indigents, c'est la vie des pauvres, celui qui
les en prive est un meurtrier"
- "C'est verser le sang que de priver le salarié de son
salaire" La Bible (Si. 34, 25-26-27)
- "La religion est la vertu par laquelle l'homme rend à Dieu
l'honneur qui lui dû" (Saint Thomas ST II, II, qu. 4, 7).
- "La religion, berçant de l'espoir d'une récompense céleste
celui qui peine toute la vie dans la misère, lui enseigne la
patience et la résignation" LENINE, de la religion.
- "La religion est essentiellement ce que nulle philosophie
ne peut être: relation de personnes à personnes" J.
Maritain, Court traité de l'existence p.121
(Joseph
Llapasset)
-
Aller à
"Peut-on
penser Dieu?" une aide à la dissertation
- Aller
à "Le
pari de Pascal" par Jules Lachelier.
Pistes
de lectures:
- Pascal Pensées
- Jean de la Croix Oeuvres
- Kant Critique de la raison pratique
- Feuerbach L'essence du christianisme
- Nietzsche La généalogie de la morale
- Freud Nouvelles conférences sur la psychanalyse
- Bergson Les deux sources de la morale et de la religion
- Claude Bruaire L'affirmation de Dieu
- Michel HENRY C'est moi la vérité (seuil 1996)
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