I.
Autour du mot:
- Le
deuil: la disparition d'autrui semble être observable:
disparition d'une parole et décomposition d'une nature que la
rigidité a d'abord gagnée: en fait c'est la disparition d'une
relation à l'existence d'autrui que je constate parce que la
conscience était relation à et que la chose qu'elle portait en
elle n'existe plus dans l'ici et le maintenant mais existe
simplement en elle, dans le souvenir.
- Mais
le deuil ne me dit rien de ma mort car je me reste et cette présence
à soi qui me fait être un soi n'est pas affectée par la mort
d'autrui qui n'est pour moi que la disparition de la possibilité
d'un regard sur un objet qui n'est plus. La vie continue, j'existe
toujours.
- Simplement
le deuil me découvre la possibilité d'une disparition de l'ici
et du maintenant et donc d'une disparition de ma vie de la
position dans l'existence. La mort d'autrui est un concept qui
unifie des observations mais ce concept ne peut me permettre de
penser ma mort...
II.
Le parcours
- Penser
la mort supposerait que la mort soit un objet: un jugement de
connaissance nécessite un concept qui subsume (détermine) une
intuition sensible.
- Or
il ne peut y avoir de concept de ma mort car c'est un événement
unique qui ne concerne que moi.
- Il
ne peut y avoir d'intuition sensible de ma mort et donc de la
mort, car la disparition de la conscience, du corps propre, marque
du même coup la disparition de toute intuition sensible qui exige
le corps: on ne peut vivre sa mort ni la regarder en face.
- Ni
concept ni intuition, la mort comme disparition de moi est donc
une idée à quoi rien d'observable ne correspond, un
principe régulateur qui unifie métaphysiquement (au delà de
l'observable) le concept de la mort biologique en général et
l'hypothèse de la mort supposée du moi.
- Mais
le contenu du concept de la mort d'autrui est transféré illégitimement
à l'idée de mort: dans le concept il y a l'inévitable, l'irrémédiable,
l'irréversible et je suppose que le concept peut déterminer ma
mort dans un jugement analytique (le prédicat est déduit du
sujet.)
La distinction nécessaire
concept / idée me ramène à l'opacité de la mort:
- absente, elle échappe à toute prise, parce qu'inobservable par
le vivant;
- présente, le vivant n'est plus ici et maintenant pour
l'observer!
La mort n'est rien pour nous;
Mais comment,
s'il ne peut y avoir de pensée de la mort, ne pas penser à sa
propre mort alors que la disparition d'autrui, autre moi, autre
que moi est une constatation tout au long de ma vie?
- Penser à sa
mort c'est penser à sa disparition, évoquer un horizon limité,
c'est rendre précieux chaque instant et découvrir l'importance
du sérieux pour se réaliser en réalisant ses projets, en
faisant apparaître les figures de sa liberté dans le mouvement
de sa vie, dans le sérieux d'une existence qui agit, se donne un
sens et propose ce sens à ses semblables comme à la génération
suivante.
-
Citations:
"Ce qui est en nous
est toujours un et le même: vie et mort... car le changement de
l'un donne l'autre, et réciproquement" Héraclite,
fragments 88
"Un homme
libre... désire agir, vivre, conserver son être suivant le
principe de la recherche de l'utile propre; par suite, il ne pense
à aucune chose moins qu'à la mort, et sa sagesse est une méditation
de la vie" Spinoza Ethique, IV partie prop.67
"Notre
nature est dans le mouvement; le repos entier est la mort"
Pascal -Bruns. 129
- Lire
l'aide à la dissertation: La
mort abolit-elle le sens de notre existence?
Platon: Phédon
Epicure: Lettre
à Ménécée
Schopenhauer: Le Monde comme volonté et comme représentation II.
p.300..Sartre: Cahier pour une morale p.339
Françoise DASTUR: La mort essai sur la finitude coll.
Optiques de Hatier
- Jean-Marie
BROHM: Ontologie de la mort