I.
Autour du mot: le concept, l'idée générale.
-
Le concept
unifie la diversité du sensible par des traits purs, qu'on ne
verra jamais, mais qu'on reconnaîtra toujours dans des jugements
de connaissance qui mettent en relation une intuition sensible et
un concept qui la détermine: mise en relation avec un concret que
le concept rend possible. Le concept (ce avec quoi je prends) est
un outil, un serviteur, jamais un maître: on ne meurt pas pour
des concepts, on les modifie, car le concept est le produit d'un
jugement qui peut toujours être repris: le concept ordonne des
observables, le concret n'est tel que par l'abstrait.
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L'idée générale
n'est qu'une classification par ressemblance de ce qui est utile
à la vie: ce n'est pas une abstraction mais plutôt un découpage
de l'environnement selon l'être de l'organisme, selon les
perspectives de ses intérêts: c'est l'herbe en général qui
attire l'herbivore...
-
Ni le concept
ni l'idée générale ne peuvent être confondus avec l'Idée, car
l'Idée ne dérive pas du sensible, ce serait plutôt le sensible
qui dériverait d'elle comme ce qui dérive de l'original, du modèle:
Alors que le concept et l'idée générale sont ordonnés au
sensible, à des observables qu'ils ordonnent, l'Idée s'élève
au dessus des concepts, au-delà de la nature pour la juger et
parfois exiger sa transformation.
II.
La Notion
- L'
Idée (de oran, voir), c'est d'abord la forme intellectuelle d'un
objet tel qu'il est. On dira par exemple l'Idée de la phénoménologie.
Autant dire que l'idée relève de l'esprit attentif qui la saisit
dans un intuition actuelle. Qu'elle soit bien distinguée des
autres idées et je ne lui attribuerai rien de ce qui ne lui
appartient pas: l'idée est alors distincte. Encore faut-il que je
puisse en analyser tous les éléments ce qui me permettra d'en
donner une définition réelle par une analyse exhaustive: ce
serait l'idée adéquate.
-
Par exemple
si je peux avoir une idée claire d'un poème en le jugeant beau,
je suis incapable de dire pourquoi en n'analysant que l'émotion
esthétique. L'idée claire et distincte ne sert donc que d'étape
vers l'idée adéquate qui seule me permettrait, par exemple,
d'analyser les couleurs et d'expliquer à un aveugle ce qu'elles
sont. J'en suis bien incapable.
-
L'idée a
donc un caractère d'utopie, d'idéal toujours poursuivi et jamais
atteint. C'est alors l'objet idéal du désir puisque le désir naît
du manque éprouvé et que, à l'idée, rien de sensible ne
correspond de sorte que le creux, l'intervalle entre le donné et
le promis accroît le désir au fur et à mesure que la réalisation
se recule. En ce sens amour est philosophe.
-
Ainsi le désir
est désir de l'Idée, de la vérité, de la justice et de la
beauté comme l'utopie est fille de la pensée, l'idéal de l'idée.
L'idée, fille de la raison, n'est qu'un principe régulateur qui
unifie tous les états internes comme MOI, tous les états
correspondants à l'extérieur comme MONDE. Le moi et le
monde sont unifiés par l'idée de DIEU.
-
Mais l'idée,
parce qu'elle fuit devant le désir, est un mobile pour l'homme
qui peut céder à la tentation de la réaliser envers et contre
tout. Celui qui hypostasie, érige en réalité absolue, une idée
se conduira toujours comme un tyran des corps sensibles et de
l'environnement: on en viendra à mourir pour des idées. L'idée
est alors d'autant plus dangereuse qu'elle propose toujours des
lendemains qui chantent, un bonheur parfait et futur qui dévalorise
le milieu, le donné par une sorte de malédiction, celle de
l'espoir.
- Laissons
les idées au ciel de l'utopie comme des astres qui orientent
notre liberté: vouloir imposer par la force une idée dans le
monde, c'est provoquer un désastre qui dévore les libertés et
les individus.
Quelques
citations:
"Si
des idées sont des forces c'est non seulement par ce qu'elles ont
de clair, mais surtout par ce qu'elles ont d'obscur" M.
Blondel, L'action p.112
"Rien
de plus dangereux qu'une idée, quand on n'a qu'une idée" Alain
Juillet 1930. Libres propos.
"Avec
Platon, nous dirons que les idées en général, et, à la limite,
l'Idée suprême, sont le seul véritable objet de la
science" E.
Goblot Traité de logique p.115
Des
pistes de lectures:
Platon:
|
La
République
|
Descartes:
|
Réponses
aux 5èmes objections.
Secondes réponses.
Lettre à Mersenne juillet 1641
|
Leibniz
|
à
Simon Foucher 1676
|
Hegel:
|
Encyclopédie
|
J.
Lacroix:
|
Le
sens du dialogue Neufchâtel
|
J.
D'Hondt:
|
Hegel
textes et débats, le
Livre de Poche 1984
|