I.
Autour du mot. Conscience: préconscient et inconscient.
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Lorsque
j’écris cette phrase un grand nombre de souvenirs -situés dans
l’espace et dans le temps de leur origine, colorés d’émotion
- de savoirs - détachés de l’espace et du temps dans lesquels
ils ont été formés - de savoir-faire - toujours prêts à se réactualiser
dans une action - ne m’apparaissent pas, ne sont pas conscients.
Pourtant ils sont toujours sur le point de m’apparaître selon
l’utilité pour l’action que j’accomplis. Présentement ils
sont préconscients: le préconscient est comme une banque de données.
-
Lorsque
je relis une phrase je découvre parfois une expression qui en
brise le cours, incongrue, parce qu’elle ne relève pas de moi
comme je pense, je veux, je peux: son origine ne m’apparaît
pas, est inconsciente, quel que soit l’effort pour
l’atteindre. L’inconscient est ce qui ne peut apparaître.
-
Alors
que du préconscient à la conscience la "circulation"
est le plus souvent facile, spontanée ou volontaire, au contraire
de l’inconscient à la conscience la circulation semble
impossible, l’évocation ne relevant pas de la volonté.
-L’inconscient
peut donc être:
-
-
un adjectif, ajouté à un acte manqué qui constate
simplement l’absence de l’origine;
-
-
un nom,
une supposition placée sous l’acte manqué pour en
"donner" l’origine.
Ce n’est pas une constatation mais la position
arbitraire dans l’existence de quelque chose qui, par définition,
ne peut être observable, la position d’une absence d’un
"lieu" inaccessible offert à l’imagination.
II.
Vers une définition opératoire de la conscience.
-
Lorsque je vois
cette phrase j’entre en relation, à distance, avec une
"chose" que je rencontre hors de moi par un acte de
transcendance: l’acte est mouvement vers, relation à, dépassement
vers. La conscience est d’abord ce mouvement de dépassement,
cette manifestation qui se "balance" entre moi et la
chose et me jette à la fois hors de moi et hors de la chose,
comme si la conscience s’épuisait à ne manifester que
l’existence de la chose et du moi. Si la conscience est indéfinissable
c’est qu’un mouvement s’accomplit dans le devenir du temps:
le mesurer, le décomposer en éléments identiques reviendrait à
manquer son dynamisme: chaque élément serait alors divisible par
eux à l’infini, ce qui interdit tout espoir de le recomposer
autrement que comme mécanisme.
-Pourtant
parce qu’un mouvement laisse des traces comme une course d’étoiles
sur une plaque photographique, trois caractéristiques peuvent être
dégagées à partir de l’acte de transcendance:
a) le
but,
b)
le sens,
c)
la fin comme arrêt.
-
a-
Toute conscience est
choix spontané ou volontaire: elle découpe dans
l’environnement des zones de clarté en fonction des intérêts
de l’être conscient.
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b-
Toute conscience est mémoire
et anticipation: lorsque je lis cette phrase il faut bien pour
la comprendre (prendre ensemble) qu’arrivé à la fin le début
m’apparaisse encore. L’oubli marquerait la disparition de
la conscience. Mais ma lecture, appuyée sur le passé, court
vers la proposition suivante, s’oriente vers le futur,
anticipe, sous peine de s’arrêter.
-
c-
Toute conscience est
conscience de quelque chose (Husserl) contre laquelle elle
bute, qui l’arrête pour ainsi dire.
-La
conscience est donc un acte de relation producteur d'un modèle
personnel (a+b) du monde, ensemble de significations données par
les projets propres à un sujet. |