II.
La notion, le parcours.
Quelques
repères historiques aideront à mieux saisir et à mieux
comprendre la genèse de la bioéthique.
-Vers
1960 la science et la technique, comme application de la science,
accomplissent des progrès fulgurants avec pour conséquence
d'accroître considérablement le pouvoir de l'homme dans
l'exercice du savoir, le diagnostic et les interventions sur
l'homme: non seulement la chirurgie des enfants et des adultes est
concernée, cela ne posant en général que des problèmes de déontologie,
d'information du patient, mais le domaine de la reproduction
humaine s'ouvre au diagnostic et aux interventions qui deviennent
alors de simples manipulations puisque le dialogue avec l'embryon
est impossible.
L'opinion admira mais des savants et des moralistes tentèrent
d'alerter cette opinion et à travers elle les élus, "les décideurs":
ne s'agissait-il pas de l'homme, une fin en soi, que l'on traitait
comme une chose, un moyen? -n'était-on pas en train de nier les
droits de l'homme comme liberté, égalité, sécurité?
-La
pertinence de ces questions mit un certain temps, 23 ans ,à entraîner
le politique et avec lui l'opinion: disons plutôt que c'est le développement
des techniques et l'urgence du danger encouru par tous qui amena
la création du Comité Consultatif National d'Éthique, le 23 février
1983 par François Mitterrand, président de la République française.
-Que
s'était-il passé? Parce que la première urgence est de soigner,
que tout retard dans un diagnostic ou une intervention peut
signifier la mort irréparable du patient, l'électronique pour le
diagnostic, l'informatique pour la rapidité d'une action bien
informée, le laser pour les interventions sur l'infiniment petit
apparaissent dans les hôpitaux et s'imposent à tous les thérapeutes.
-On
s'oriente très vite vers la reproduction humaine avec de nombreux
succès dans le diagnostic prénatal des malformations, le dépistage
de porteurs de particularités génétiques, la congélation du
sperme avec la création de "banques" et, dès 1978, la
fécondation in vitro.
Ceux-là qui se réjouissent de ces conquêtes sont les plus
inquiets car toute recherche exige l'ajustement progressif d'un
discours à son objet et donc ici l'expérimentation sur ce qui
deviendra un être humain ou l'est déjà. De plus la génétique
ne risque-t-elle pas d'être utilisée pour satisfaire le désir
de ceux qui cherchent, dans l'obscurité, à produire des êtres
"supérieurs"?
-De
telles questions mettent d'accord tous les êtres raisonnables qui
sont aussi capables de prévoir, de calculer:
biologistes et médecins doivent obéir à des exigences déterminées
par une éthique. La question est de savoir quel sera le contenu
de ces exigences et qui les formulera...
-Le
Comité Consultatif National d'Éthique pour les Sciences de
la Vie (bio-logie) et de la Santé a donc pour mission: "donner
son avis sur les problèmes moraux qui sont soulevés par la
recherche dans la biologie, la médecine et la santé que ces
problèmes concernent l'homme, les groupes sociaux, ou la société
toute entière".
La règle qui guidera les recherches de bioéthique est reconnue
par tous: "toute recherche médicale doit respecter les
droits de l'homme".
Pourquoi
ne pas avoir commencé par une loi? Le rythme de succession des
inventions techniques semblaient devoir rendre obsolète le droit
dès sa création: on a donc préféré une sorte de comité de
surveillance toujours en alerte: cela avait l'avantage d'éclairer
le politique (même si le comité n'est que consultatif, pour
laisser la souveraineté au peuple et à ses représentants) mais,
l'inconvénient de faire que la loi arriverait toujours "après".
Le 29 - 07 - 94 deux lois sont enfin promulguées, une première
loi dans le Code Civil relative au respect du corps humain et une
deuxième dans le Code de Santé publique relative aux dons et
utilisations des produits humains. D'autres lois suivront...
-
Le vrai problème
que l'on pourrait peut-être exposer clairement à l'opinion est:
peut-on interdire les aventures trop risquées, les expérimentations
hasardeuses, sans paralyser la recherche?
C'est donc, en réalité, sur le désir et sur les "ailes du
désir", la technique, que la bioéthique doit réfléchir,
sans oublier que le désir, manque éprouvé, ne peut porter que
sur ce qu'il n'a pas, sur l'autre et singulièrement sur autrui:
cela signifie qu'il implique la loi comme l'expression d'une
liberté partagée, d'une autonomie, beaucoup plus que les
recommandations qui ne sont suivies que par ceux qui n'en ont pas
besoin.
Pour
compléter voir dans:
- Philo-poche: la
technique
- André
PICHOT: l'Eugénisme
- Alain
RENAUT : l'Individu
- Et la matière
devint vivante par André Brack
- Sur le forum de discussion: I.V.G,
Bon anniversaire Simone
Weill |