On
peut distinguer ces figures en deux groupes suivant le nombre des
phonèmes répétés. De la sorte, on peut parler de la
redondance du signifiant totale et de la redondance du signifiant
partielle. Dans l’homonymie, l’antanaclase, l’épizeuxe,
l’anaphore et dans l’épiphore il y a une redondance totale alors que
dans l’allitération, l’assonance, la rime, et dans la paronomase il y
a une redondance partielle.
Dans
l’épizeuxe, il
s’agit de la répétition d’un mot sans conjonction de coordination.
Quand Charles de Gaulle dit (le 23 avril 1961) : “Hélas
! Hélas ! Hélas
!”, pour préciser la situation où l’on est, en répétant le même
mot, il souligne la force d’une émotion. C’est une épizeuxe.
On
peut dire la même chose pour le figure de style antanaclase.
“Une antanaclase répète deux fois un même mot, mais avec des
dénotations ou des connotations différentes qu’il appartient au
destinataire de reconnaître” (Canu, 1992 : 142). Dans l’exemple
“Une femme est une
femme”, la
deuxième “femme” est signifiée par l’auditeur.
Par
l’homonymie il
faut comprendre deux mots qui sont prononcés de la même manière mais
qui peuvent être écrits différemment. Les homonymes sont des mots qui
ont une même forme phonique. Mais leur écriture ne doit pas avoir la
même forme graphique. Un seul signifiant détermine plusieurs signifiés
différents. Ce groupe de phonèmes se différencie par leur sens. Nous
avons donné quelques exemples dans la première partie de notre exposé.
Nous voulons donner ici le groupe de phonèmes : [ver].
Ce monème peut être écrit en français de la manière suivante :
[ver]
: vair (latin : varius)
: une fourrure d’écu en contre-vair
[ver]
: ver (latin : vermis)
: le ver de terre
[ver]
: verre (latin : vitrum)
: un verre de bière
[ver]
: vert (latin : viridis)
: se mettre au vert
/ un drapeau vert /
un dépôt de vert-de-gris
[ver]
: vers (latin : versus)
: un vers de douze
syllabes / marcher vers
la vérité.
Comme
nous voyons, dans ce groupe, il y a un seul monème formé de trois
phonèmes, mais ses signifiés sont différents.
Dans
la poésie, en tant que la redondance du signifiant, nous pouvons parler
de l’homonymie :
Là
la ---
de ça, de la ---
Pareil à l’arbre ---
Feuille morte ---
VERLAINE
|
Là où la terre
s’achève
levée au plus près
de l’air
(dans la lumière où le rêve
invisible de Dieu erre)
Philippe JACCOTTET, Fin
d’hiver
Quant à l’anaphore,
dans la poésie, si les vers, les phrases, les paragraphes ou bien
les membres de phrases successives commencent par le même mot ou
le même groupe de mots, il s’agit de l’anaphore.
|
Père
d’or et de sel, ô Père
intérieur,
Père d’eau, Père
pur par l’arbre et par le feu,
ô source du Soleil, Père
mystérieux,
Père continuel et
pur par la douleur,
(Jean-Claude
RENARD, Père voici que l’homme,
1955)
Dans
ce poème le mot “père” est une figure d’anaphore. L’inverse de
l’anaphore est possible. L’épiphore
est L’inverse de l’anaphore. Les vers ou les phrases peuvent se
terminer par le même mot.
Et toujours ce parfum de foin coupé qui venait de Bérénice,
qui résumait Bérénice,
qui le pénétrait de Bérénice.
(Louis ARAGON, Aurélien,
chap. XXV.)
Quant
à la redondance partielle, on peut voir dans les poèmes ce type de
figure. Par exemple dans l’allitération
il s’agit de la répétition d’une même consonne.
“L’allitération tend à marquer un rythme et à souligner le
signifiant par la fréquence inhabituelle d’un même phonème” (Canu,
1992 : 146). C’est un figure utilisé souvent dans les poèmes, dans les
chansons ou bien dans les slogans.
“Pour qui sont
ces serpents
qui sifflent sur
vos têtes ?” (Racine, Andromaque,
V,8)
L’assassin
sur son
sein suçait
son sang
sans cesse.
Mais
précisons que ce n’est pas une lettre, c’est un son. Dans ce cas, on
peut dire qu’un même phonème est rendu par des graphèmes différents.
Par exemple pour le phonème [k] du français, on peut écrire les
graphèmes suivants :
[k] : c parc
[park], ca carte
[kart( )], cc
accabler [akable],
cch bacchante [bakat],
ch chaos [kao],
chaotique [ka tik], chrétien, enne [kretje,en],
co combien [k bje],
cu cuivre [k ivr], k
kilo [kil ], képi [kepi], q coque
[k k], qu quatre [katr],
parquer [parke], x
exciter [eksite]
On
peut dire la même chose pour l’assonance.
C’est l’homophonie d’une même voyelle.
“Tout m’afflige
et me nuit et
conspire à
me nuire”
(Racine, Phèdre, I,3).
Ce
figure aussi est la répétition des phonèmes, et non des graphèmes. Par
exemple pour le consonne “[e]
e ouvert” on peut employer les lettres ou groupes de lettres suivantes :
[e]
: ai (balai [bale]),
il aime [ilem],
aî à la fraîche [alafre
], ay (balayer [baleje]),
e (mer [mer]),
bec [bek]
è (mère [mer]),
dès [de]
ê (fête [fet]),
blême [blem]
é (événement [evenma]),
ë
Noël
[n el],
ect (suspect [syspe(kt)],
aspect [aspe],
egs (legs [le]),
ei pleine [plen],
reine [ren],
es (tu es [tye]),
ès (congrès [k gre]),
est (il est [ile]),
et billet [bije],
(poulet [pule]),
êt (forêt [f re]),
ets (il mets [ilme]),
ey (bey [be]).
La
rime qui est l’un
des redondances partielles précise la répétition régulière d’un
syllabe : “Des crédits pour l’école,
pas pour les monopoles”
(6 + 6).
L’allitération,
l’assonance et la rime sont des figures qui sont employés largement
dans la poésie. Le poème est un texte en vers ou bien en prose rythmée.
Deux types de répétitions se manifestent dans la poésie : il y a
d’abord le réemploi du même phonème : allitération (consonne) et
assonance (voyelle), la rime est ensuite une seconde répétition dans la
poésie. Toutefois la rime est liée à un certain nombre de règle et
d’usages.
La
paronomase aussi est
la répétition de syllabe, mais il ne s’agit pas d’une seule syllabe,
mais de plusieurs syllabes dans des mots différents (Reboul, 1984 : 38).
On rapproche deux vocables qui se ressemblent par le son. Mais il y a des
différences par le sens entre ces ressemblances sonores.
La femme, boniche
et potiche.
Défense
nationale, dépense
nationale, démence
nationale”
Vouloir
c’est pouvoir.
Traduttore,
traditore.
On
peut trouver la paronomase souvent dans les proverbes.
Qui vole un œuf vole
un bœuf.
Qui terre a
guerre a.
Dans
l’homologie, il
est question de la répétition d’un mot et d’un de ses dérivés (Canu,
1992 : 142). Par exemple dans la phrase : “Il est temps que les travailleurs
travaillent”, entre “travailleurs” et “travaillent” il
y a une relation homologique. On peut trouver la même chose dans le vers
suivant d’Aragon : “Ses yeux sont si
noirs qu’on s’y
noirait”, il y a une sonorité de deux mots phonétiquement
presque superposables. Il s’agira de la simple surprise causée par
l’expectation noir,
noircir frustrée en
noir, noirait.
Il
faut souligner que l’on ne peut pas traduire en une autre langue, les
figures de style qui sont formés par la redondance du signifiant, parce
que ce type de figure trouve sa valeur rhétorique dans une langue
donnée. Pour une autre langue il n’apportera pas une telle accumulation
des sons.