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Cours de  PHILOSOPHIE par J. Llapasset

Philo-poche

Mythe,  science  et  philosophie  

Du mythe comme récit fabuleux au mythe comme dimension de la pensée

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III. Science et philosophie: (suite)

- Alors que la conscience mythique ne s'étonnait de rien dans une sorte de sommeil, la conscience philosophique s'éveille, calcule, s'étonne, problématise et, ce faisant, "se problématise" elle-même en essayant de dégager ses propres conditions de possibilité: elle se découvre étrangère - et étrange - dans une société qui ne se soucie que du simplement utile et ne se pose même pas la question de savoir ce qui importe vraiment dans une existence: une société qui ne s'interroge pas elle-même.
Le dialogue qui réunit deux interlocuteurs s'intériorise dans un dialogue intérieur qui devient le mouvement même de la pensée: le dialogue ouvre donc un double champ de recherche: 

  • le monde des opinions par la diversité permet la comparaison;

  • le monde comme lieu des problèmes et le moi comme mystère puisque celui qui cherche est impliqué dans ce qu'il cherche.

-L'acte de philosopher s'oriente bien comme une réflexion, un retour sur ce que l'on croit savoir ou ce que l'on croit être. Lorsque Socrate s'enquiert en arrivant où en est la philosophie? : c'est toujours de savoir qu'il parle: qu'est-ce qu'on a cherché à découvrir de ce qui est réel, de l'essence?

- Ce dont Platon se détourne ce n'est donc pas du mythe mais du dogmatisme de l'opinion qui habite le mythe: il s'agit de se réveiller, de ne plus confondre le donné et ce qui est à conquérir. Le mythe n'est pas récusé par la philosophie, il est utilisé: il ne peut lui servir que si elle le débarrasse de l'opinion. On comprend que Platon, Plotin, et bien d'autres, ont pu utiliser le mythe pour faire comprendre, pour signifier lorsque la pensée logique s'arrête devant ce qu'elle ne peut exprimer. 

Ce n'est plus un récit qui endort l'étonnement, mais un symbole, un chemin que l'on emprunte pour penser ce qui dépasse l'ordre déductif - et que l'on oublie -, mais qui donne à penser pour peu que la réflexion philosophique l'ait débarrassé de son dogmatisme.

- Par exemple, chez Platon, au début du Livre VII de La République, l'allégorie de la caverne met en mouvement la fin du livre VI, la ligne géométrique. Platon cherche à dépasser les mathématiques: pour cela il ne peut plus les utiliser et il a recours à un mythe soigneusement démythologisé, pour ainsi dire. 
Dans le Phèdre le mythe de l'attelage ailé permet de penser la complexité de l'âme humaine qu'aucun discours déductif ne pouvait exprimer. Chez Nietzsche, le mythe du surhomme signifie ce que la rationalité n'aurait jamais pu exprimer sans tomber dans la contradiction: la possibilité et le chemin de perfection de l'homme comme liberté et puissance de l'individu, comme dépassement, comme corde tendue entre ce qui est possible et ce qui n'est pas encore. Autant dire que pour la philosophie le mythe, soigneusement traité, devient un instrument, un stimulant de l'interprétation ou un moyen d'expression au service de la pensée comme acte, comme dialogue intérieur. 
Simplement, ce n'est plus le récit qui a le dernier mot mais le logos comme discours pénétré de raison et conscient de lui même jusque dans ses interprétations les plus hasardeuses.
Dans tous les cas c'est la joie de comprendre qui est la fin suprême de l'acte de philosopher. 

- Dépouillé d'une mythologie, de la sophistique, plongé dans l'humilité qui est vérité, ni sage, ni complètement ignorant, le philosophe ne peut compter que sur son pouvoir d'intelligence: pour toucher au réel, il doit user de la "pensée toute seule" (Phèdre 66a, Platon) et atteindre la perfection du discours par des raisons: la philosophie n'existe donc nulle part, c'est un acte à accomplir, comme recherche d'une pensée maîtrisée et ajustée à ce qui est réellement. Là où l'animal et l'esclave subissent, pâtissent, le philosophe se demande toujours:

  • Est-ce que ça importe dans une vie d'homme libre? 

Son existence même témoigne de sa liberté dans la problématisation de ce qui semble aller de soi. Derrière ce que l'on appelle la philosophie, il n'y a que des philosophes, des paroles qui s'efforcent d'être un logos. Si le philosophe ne peut échapper au mythe, c'est un peu comme celui qui en critiquant la philosophie fait de la philosophie. Philosophie et mythe ont, différemment certes, pour cause la parole qui les font exister.

Pistes de lectures:
J. Pépin, Mythe et allégorie (en particulier page 481)
M. Pradines, L'esprit de la religion, page 272...
H. Duméry, Philosophie de la religion, I, VI
P. Ricoeur, Finitude et culpabilité, II, 13
C. Lévi-Strauss,
Anthropologie structurale, Plon, page 254.

Quelques citations comme autant de pistes de lectures: => Mythe (lien ouverture nouvelle fenêtre)

Aller vers Peut-on faire de la physique sans faire de la métaphysique? (lien ouverture nouvelle fenêtre

 

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