II.
Mythe et science: les mathématiques
En
réalité, il y a un progrès
décisif des mathématiques par rapport au mythe.
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D'abord
parce que le fondement du point de départ n'est plus dans
la fantaisie d'un dieu, d'un demi-dieu ou d'un héros mais
dans le discours qu'il autorise: la rigueur des enchaînements
est une raison d'adhérer au postulat.
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Ensuite,
il ne s'agit plus de répéter ce qui a été: le mouvement
remplace l'immobilisme car si dans le mythe le contenu du
discours est indiscutablement fixe, dans la science l'hypothèse
est présentée comme une hypothèse, une supposition
produite par la raison, sous réserve d'une rigueur du
discours qu'elle permet en mathématiques ou d'une vérification
par l'expérience. C'est ce que l'on place au début d'un
processus de calcul, ce qui permet la prévision étant bien
entendu que si la prévision ne se réalise pas l'hypothèse
perd sa justification.
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Enfin,
que le postulat soit appuyé sur l'évidence marque, la
possibilité d'un contenu du discours qui serait ajusté à
ce qui est par la production d'une idée, qui serait la
forme intellectuelle de la réalité.
(Est évident ce que l'on voit)
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La
science s'élabore, grâce aux mathématiques, comme diversité
et pouvoir de calculer, de
prévoir,
capacité de distinguer le vrai du faux par comparaison, théorie
et expérimentation (*lien
en ouverture nouvelle fenêtre).
La pensée, comme raison, s'oppose à la tragédie d'un destin déterminé
par l'origine et apparaît comme le résultat de la parole qui
s'ouvre à la logique par
l'identité et la non contradiction, au déterminisme
de la nature par la
recherche de la causalité, puis de lois. Cela pour répondre au
désir de vérité que seule la
liberté d'un dialogue avec soi même et avec la nature permet
de nourrir.
- On
voit donc que la science reprend l'élaboration de l'expérience
par le mythe en remplaçant une explication théorique donnée
par une explication acquise, une expérience subie par une expérience
conquise, avec l'ambition de ne rien perdre de la rigueur mathématique
dans un discours accordé à ce qui est réellement. Elle va
remplacer une représentation donnée par une opération qui
fera comprendre en faisant apparaître expérimentalement la non
contradiction de ce qui est avec ce que la théorie prévoit,
explique, déplie: ce
qui sépare radicalement mythe et science ce n'est pas l'élaboration
de l'expérience mais le rapport à la certitude:
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le
mythe part d'une certitude première, fondatrice, qu'il ne
peut que dérouler dans le monologue d'une monotone répétition
du même discours: en cela il assure le pouvoir de
l'origine: c'est un fatalisme.
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La
science au contraire part d'une incertitude première, d'une
hypothèse qui la condamne à une aventure perpétuelle
scandée, à l'infini par théorie et expérimentation.
En ce sens Jean Rostand écrivait: "Chaque matin je
me lève pour assurer mes ignorances" comme si la
nature pouvait bien dans l'expérimentation répondre non
mais jamais oui.
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Est-ce dire que la science
a conjuré définitivement la pensée mythique?
Un
des caractères du mythe nous est apparu dans la manière dont
il affirmait la vérité du contenu de son discours, dans son
immobilisme. N'est-il pas possible d'affirmer que chaque fois
que la science arrête son mouvement de dépassement elle
produit des mythes?
Il
est clair que ce qu'on pourrait appeler la science
constituante
par théories et expérimentations, comme incessantes
rectifications d'erreurs, la science fidèle à cette vocation dépasse
définitivement le mythe dans sa prétention dogmatique de présenter
un fondement hors du temps, définitivement à l'abri du doute:
Même si elle ne saurait écarter toute croyance de sa démarche,
puisqu'elle utilise sa raison productrice des idées métaphysiques,
ces principes régulateurs que sont le moi, le monde et
Dieu.
Mais la science constituée
n'échappe pas toujours à la tentation de se considérer comme
vérité définitive et de produire des mythes d'autant plus
dangereux qu'ils se couvrent d'une pseudo-rationalité
scientifique.
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et savant !
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