I.
Le mythe et sa fonction: pseudo-savoir pour un réel pouvoir.
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Le mythe se présente
comme un récit alors qu'il n'est qu'un roman: une représentation
imaginative mettant en scène des exploits - de dieux,
demi-dieux ou de héros - s'étant déroulés dans une sorte
d'origine, un temps avant le temps.
- Par
exemple: soit le mythe: le monde est né
de la larme d'un dieu: il n'y a plus rien à dire:
souffrance et mal trouvent leur explication et leur
justification dans l'origine.
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Cela revient à fonder
l'immobilisme conservateur puisque le présent est représenté
comme fonction du passé, son déploiement, sa répétition:
tout ce qui est a été. Dans cet effort même pour réduire le
devenir au retour du même (par exemple le travail comme torture
et punition) le mythe exclut le devenir et ses deux moteurs que
sont la discussion, la contradiction, la recherche des causes
antécédentes effectives: ce qui est impossible dans le
monologue du mythe qui refuse l'altérité c'est donc la
philosophie comme dialogue et la science comme recherche de
processus antécédents, d'un déterminisme que la liberté
pourrait utiliser.
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Par exemple: que le travail, sensé libérer de la
nature, soit ressenti comme une torture n'a plus rien d'étonnant
si un mythe fabuleux, le récit d'une action mauvaise conduisant
à une condamnation divine le justifie comme punition méritée.
Que cette punition soit divine confère au mythe un aspect définitif
et consacre l'immobilisme. "Tu enfanteras dans la
douleur" a longtemps justifié la souffrance de
l'accouchement au point de regarder d'un mauvais oeil ce qui
pouvait la soulager, jusque dans la première moitié du XXème
siècle.
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Le mythe qui n'était
qu'une première élaboration de l'expérience des hommes et
qui, à ce titre, appelait un dépassement par la pensée, ne
trouvant pas en face de lui la pensée philosophique ou
scientifique se trouvait, de ce fait, élevé au rang de dogme.
Il faut donc simplement comprendre que le mythe est un stade, un
arrêt qui se prolonge tant qu'il est le seul à parler en
chacun:
il n'y rien à démontrer puisque l'opinion qui l'affirme, qui
le nourrit de sa soumission est seule admise parce que,
croit-on, il n'y a rien d'autre à chercher: celui qui sait, ou
croit savoir, ne cherche pas. Or l'effort pour démontrer ne
peut venir que d'un dialogue dans lequel chacun cherche à
justifier ce qu'il affirme. Mais pour dialoguer il faut se dédoubler,
chercher ou être deux.
Le monologue qui traverse l'esclave, entendu par ses maîtres,
ne peut que répéter ce qui leur fait plaisir.
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C'est la distinction de l'opinion et de la science qui pouvait générer
le mouvement de dépassement: cette
distinction supposait l'intériorisation du dialogue qui seule
permet la mise en question par le sujet de l'opinion qu'il subit
("C'est le même qui sait interroger et qui sait répondre"
Platon). De la discussion des mythes naîtront le chercheur
et le philosophe: la science et la philosophie.
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Mythe
et science
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